Première critique que je poste ici, depuis mes 3/4 ans d’activité sur ce site.
J’ai souvent eu l’envie de me lancer, sans y prendre le temps. Mais voilà, il aura fallu attendre cette fin de décennie pour qu’un film me pousse enfin à franchir le pas.
J’ai toujours aimé le cinéma de Céline Sciamma. Mais j’ai toujours eu le sentiment qu’elle gardait des choses sous le pied, qu’elle n’osait pas totalement déployer ses récits autant qu’elle ne le devrait/pourrait. Une pudicité que je comprenais, mais que j’espérais voir Sciamma dépasser. Je rêvais alors du jour où elle oserait totalement. C’est enfin le cas avec ce Portrait de la jeune fille en feu.
Je trouve l’idée de départ magnifique : une jeune femme (Héloïse) promise à un homme milanais refuse de se laisser peindre. Une peintre (Marianne) est alors engagée pour réaliser son portrait sans qu’elle ne le sache : elle se fera passer pour sa dame de compagnie.
Evidemment, le secret va finir par tomber, donnant alors même une nouvelle force, une nouvelle ampleur au film. On y questionnera le regard du peintre sur son modèle mais aussi, étonnamment – et intelligemment, le regard du modèle sur son peintre. Le portrait devient une collaboration : c’est ensemble qu’elles réaliseront ce tableau. C’est ainsi qu’il deviendra vivant.
On peut bien sûr y voir un parallèle entre la peintre et la cinéaste. Entre le modèle et les actrices. Le cinéma n’est pas un art solitaire, bien au contraire. Il se construit ensemble.
On aurait pu craindre un film figé, académique (une crainte que j’ai souvent devant les films en costume). Mais bien au contraire, Portrait de la jeune fille en feu est un film plein de vie, d'amour, de passion, marqué par de nombreuses touches d’humour et par ses magnifiques dialogues. Ils y sont vifs, incroyablement bien écrits et puissants.
C’est aussi un grand film de femmes, militant et politique parce qu’il prend parti de se débarrasser des hommes pour ne parler que d’Elles. Elles, se sont Marianne, Héloïse, mais aussi Sophie, la servante. On y parle de sujets profondément féminins, que le cinéma s’est bien souvent passé d’évoquer (règles, avortement, amours féminines…).
Portrait de la jeune fille en feu est aussi, bien sûr, un grand film d’amour. J’aime les grands films romantiques, mais aucun ne m’avait récemment autant bouleversé que celui-ci.
On pourrait, au premier abord, bien sûr le catégoriser dans les grands films « d’amour impossible ». Mais, finalement, cela serait un contre-sens. Ces femmes choisissent de vivre leur amour, sans regret, sans remord. Il n’y a pas d’apitoiement sur cette situation. Il y une tristesse certes, mais pas d’accablement : les grandes passions amoureuses sont souvent belles et puissantes car elles ne sont pas faites pour durer. Mais les souvenirs de ce qui a été persistent. Comme Sciamma a pu le dire dans de multiple interviews, ici ce n’est pas un amour « impossible » qui se joue, mais au contraire un amour qui a pu être possible. Et ça fait toute la différence.