"J'ai un nouveau sentiment, le regret" affirme Héloïse (Adèle Haenel). "Ne regrettez pas, souvenez-vous", lui répond Marianne, la peintre (Noémie Merland). De se souvenir, il en est beaucoup question dans ce film. Se souvenir à travers la peinture avant tout. Que ce soit dès le début de l'oeuvre de Céline Sciamma, avec Marianne qui, en plein cours, posant pour ses élèves, croise le regard d'un tableau qu'elle a peint et qu'elle nomme "Portrait de la jeune fille en feu". Bouleversée par la vue de ce tableau, commence alors l'évocation des souvenirs, de la vie, de l'amour…. La peinture sert ici comme moyen d'expression, moyen de se souvenir, et de faire vivre ces souvenirs.
De peinture, il en est aussi beaucoup question, et elle tient une place prépondérante dans le film. Ce dernier semble d'ailleurs construit comme un tableau, chaque plan étant minutieusement pensé comme tel dirait-on. Plans aussi sublimés par la beauté des paysages : que ce soit à la plage, su le bord de falaises, où à l'intérieur de la belle demeure familiale… Tout ces paysages évoquent des tableaux. Et c'est comme si ils prenaient vie, à travers le regard et le regard de Marianne.
Si d'art pictural, le film en est rempli, il est aussi centré autour de l'amour. Portrait de la jeune fille en feu raconte l'amour à travers l'art. Et cette histoire d'amour, c'est une histoire de l'interdit, dans lequel pourtant, les deux protagonistes se permettent tout, en absence de la mère d'Héloïse.
Absence qui leur permet de vivre pleinement les sentiments qui se faisaient de plus en plus présent à mesure que les souvenirs de Marianne nous étaient présentés à l'écran. Ce qui amène à se questionner sur la nature de ces souvenirs. Idéal, rêve, mémoire… est-ce que l'on a une vision idyllique de la part de Marianne de la relation qu'on entretenue le temps d'un été les deux jeunes femmes ? Est-ce que cette relation était vécue de la même manière du côté d'Héloïse ? La fin du film semble répondre à ces interrogations.
Ce film, pour moi, a résonné avec la puissance littéraire du roman d'Oscar Wilde, Le Portrait de Dorian Gray. Mais à l'inverse de Wilde, Sciamma ici nous propose un film où l'amour entre femme est un amour qui ose dire son nom, un amour porté comme tel à l'écran, avec un female gaze qui change la perspective et donne au film une dimension encore plus grande. Ce film fonctionne pour moi comme un discours enflammé pour "céder aux tentations" et ne jamais se priver des plaisirs interdits. Et comme le disait très justement Lord Henry dans le fameux roman de Wilde, "tout élan que nous nous efforçons d'étouffer pèse sur notre esprit et nous emprisonne". Héloïse et Marianne ont, elles, décidées de ne pas résister à leurs envies, mais d'y plonger la tête la première. Et cette histoire d'amour sonne comme celle d'une des plus belles qui m'aient été donné de voir par le cinéma français.