Portrait de la jeune fille en feu est, en même temps qu'un film d'amour et de passion impossibles, un film d'esthète, un film de peintre, où une très belle lumière (naturelle ou à la bougie) magnifie tout.
C'est aussi et surtout un film de femmes et qui décrit un monde d'où les hommes sont quasiment exclus. On les voit un peu au début (et certainement pas à leur avantage) et un peu à la fin, lors des deux grandes scènes où la belle société se montre (à Milan, au temps du royaume de Piémont-Sardaigne), lors de l'exposition de peinture puis de la soirée à l'Opéra ; autrement, ils ne sont qu'évoqués, dans leur rôle de potentiel époux ou de géniteur. Ainsi, dans cette grande maison pourtant isolée et les dépendances environnantes où se déroule la majorité du film et où vivent 4 femmes dont 3 jeunes adultes, on n'en voit aucun. Ces 4 femmes sont d'ailleurs les 4 personnages principaux du film : la mère, la fille, la servante et la peintre. Ni gardien, ni valet, ni jardinier, ni aucun autre homme. On se souvient que dans Naissance des pieuvres, le premier film de Céline Sciamma, le seul gentil jeune homme à jouer un rôle un peu important dans l'histoire se faisait finalement cracher au visage par une des trois héroïnes (la moins jolie, sur laquelle il tentait de se rabattre).
Dans Portrait de la jeune fille en feu, l'homme de condition ne sert qu'à donner une position sociale à la femme qu'il épouse et accessoirement des enfants. Une fois mariée, elle l'endure, mais tout en regrettant clairement le temps où, jeune fille, jeune femme, elle vivait avec ses soeurs ou d'autres (jeunes) femmes et était libre, libre d'aimer qui elle voulait, en toute égalité, sans être possédée ni salie. Bref, on peut trouver tout ça un peu désobligeant pour le sexe masculin.
Quoi qu'il en soit, j'ai trouvé le film très beau et je l'ai aimé. Adèle Haenel est magnifique en Héloïse (bien que déjà un tout petit peu âgée pour le rôle) et Noémie Merlant excellente en Marianne ; elles forment un très joli couple, tout à fait crédible. La comtesse et la servante étant, elles, finement interprétées par Valeria Golini et Luàna Bajrami.
L'histoire se suit avec plaisir, malgré un rythme parfois un peu languissant. Le film a d'ailleurs obtenu le prix du meilleur scénario à Cannes cette année.
Sans l'intransigeant parti pris anti-mâle de sa réalisatrice, talentueuse peintre des amours lesbiennes, il aurait peut-être pu prétendre à mieux.