Bravo. Brava. Bravissimo.
Derrière la tendre histoire d’amour interdite je n’ai vu que l’histoire de trois femmes aux destins et degrés de liberté différentes.
La jeune fille promise à un inconnu, sans aucune maîtrise sur son destin à qui on demande de se réjouir d’être mariée à un illustre Milanais. Celle qui ecope du destin d’une sœur qui a choisi la liberté par la mort. Une jeune fille qui s’enivre du peu que la société lui donne et rêve d’écouter des orgues. Présentée au début comme naïve, ne connaissant que le couvent, les orgues et qui se jette sur le premier bouquin qu’elle peut acquérir. On comprend au fil du film que c’est au couvent qu’elle a découvert l’amour saphique.
La jeune artiste libre de choisir d’être célibataire. Celle qui voyage, qui a appris l’italien à Milan, qui joue du piano et écoute Vivaldi. Celle qui a connu l’avortement et qui connaît les recette de grand mère. Et qui pourtant nous montre ses chaînes. Une femme ne peint pas d’homme nu, une femme doit préférer exposer sous un autre nom et se faire voler son talent, complice de son propre effacement. Une femme qui doit apprendre à aimer une femme.
La jeune servante libre de sa non condition. Qui peut coucher hors mariage. Qui ne semble pas subir la pression sociale puis qu’exclue de celle ci. Elle apparaît au troisième plan de cette histoire d’amour entre deux personnalités fortes mais elle est le liant de ce film.
Lorsqu’elles se retrouvent livrées à elle même on voit ces trois destins s’entremêler et éclore. Tant que la mère est la chacune est effacée, cantonnée au rôle qui leur est attribué. Des qu’elle disparaît elles se mettent à exister, à rire, à chanter, à jouer. Comme trois chatons qui se réchauffent elles vont s’entraider; comme si chacune portait un bébé dont elle doit se débarrasser. Si la sororite devait être peinte elle représenterai ces trois femmes qui vont au feu de camp.
Bien évidemment l’histoire d’amour de deux femmes. Une histoire qui donne l’impression qu’il est inéluctable que deux femmes qui doivent cohabiter l’une avec l’autre tombent amoureuse.
Et ce script poignant. Vous savez ce genre de film où il fait parfois mettre pause juste pour apprécier une réplique. « Je n’ai pas rêvé de toi j’ai pensé à toi ». J’ai du faire souvent pause.
Et ces images d’une beauté irréelle, toujours entre tableau et réalité. Un jeu de lumière extraordinaire. Des plans toujours justes.
Et ce silence qui alourdit l’atmosphère sans la rendre indigeste. Ce silence qui laisse le bruit des rires, des chants et de la musique retentir.
Et ces non dits qui disent tant de chose, cette emotion véhiculée par les mots tranchants et des litotes comme on en avait pas entendues depuis Chimène et Rodrigue.
Même la nudité est toujours comparable à un tableau, parfois inutile, toujours esthétique, jamais vulgaire.
Merci mesdames, merci le cinéma.