Post Tenebras Lux ou une certaine ( haute ) définition du ravissement cinématographique...


Carlos Reygadas réalise ici un quatrième film totalement inclassable, dépassant la notion de genre et transformant celle d'une temporalité préétablie. D'emblée Post Tenebras Lux affirme - non sans une certaine insolence - une plastique hors du commun doublée d'une densité thématique tout à fait salutaire. C'est bien simple : depuis quand une oeuvre de cinéma n'avait-elle pas transpiré un tel désir de modernité ? Objet trouble, unique, de forme saillante, éblouissante presque, Post Tenebras Lux est de ces films capables de se réinventer à chaque plan tout en témoignant d'une unité formelle et d'une rigueur délicieuses : lorsqu'une telle liberté, une telle inventivité s'accouplent à une maîtrise aussi confirmée le résultat tient tout simplement du chef d'oeuvre !


Reygadas propose une véritable expérience, mélangeant et incorporant pléthore de figures ; souvent proche du symbolisme ou de l'onirisme Post Tenebras Lux n'explique rien, ne démontre rien : il peut être vu comme une rêverie empreinte de noirceur et de barbarie, un songe au travers duquel l'Homme et l'Animal s'épouseraient pour mieux suggérer la présence d'un satyre vermeil et lumineux. La narration choisie par Reygadas, glissante et évocatrice, nous frappe par ses jeux d'échos et de symétrie. Le cinéaste mexicain, génial car redoutablement inspiré, a ceci d'audacieux qu'il assume certains partis pris tout en laissant les accidents du Réel intervenir au coeur du cadre. On aura rarement vu autant d'échelles de plan diverses s'accorder, s'imbriquer les unes avec les autres avec tant de fluidité, de limpidité.


Que retrouver à dire face à la splendeur des images, d'une beauté aussi inattendue, eau de jouvence proche du petit miracle ? Comment ne pas se délecter d'un film mariant aussi bien l'intime et l'infinité des espaces filmés, repoussant les limites du cadre en composant chaque plan comme un nouveau microcosme ? Quant à l'utilisation remarquable du hors champ et celle du son, à t-on déjà vu quelque chose d'aussi surprenant depuis longtemps ? Un joyau du Septième Art, qui n'a définitivement pas volé son Prix de la Mise en Scène à Cannes en 2012.

stebbins
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le 16 mai 2016

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