Pour elle, un titre qui en dit plus long que le film.
Un film qui s'éloigne insensiblement de son réel objectif.
Pour elle, c'est l'étrange rencontre entre Law abiding citizen façon Olivier Marchal et Le Faux coupable d'Hitchcock. C'est à la fois sa qualité et son grand défaut.
Car le film est construit en deux parties:
1- La descente aux enfers, film noir, sanglant et violent aux accents marchaliens
2- La cavale, film stressant, au suspens sadique, digne d'Hitchie
L'unité est admirablement maîtrisée.
Le suspens hitchcockien est déjà présent dans l'exploration descendante par Julien du monde criminel des faux-papiers, des dealers de drogues (en qui peut-on se fier?) et la violence aigrie de Marchal persiste par-delà cette exploration.
Le duo Vincent Lindon - Diane Krueger fonctionne à merveille.
Mais, voilà, le film se perd dans une ode à la fuite, à la cavale, s'achevant d'ailleurs sur les paroles du vieux sage, maître ès cavale, interprété par Olivier Marchal : "S'évader, ce n'est rien. C'est rester libre qui est difficile."
Ce qui est difficile, c'est surtout coller au thème: Pour elle.
Le film est admirable - d'une violence sans doute trop prononcée (suspicion de gratuité à visée anti-policière, je pense notamment à l'arrestation du personnage de Diane Krueger ) - et il promet vraiment dans cette scène où le mari rejoint sa femme pour la faire évader. Il promet car elle, pour qui il a fait toute ces choses, dit "non !". Ce non catégorique, ce non impératif eût pu faire office de fin brusque ou d'ouverture d'une scène finale bouleversante où la beauté du geste du mari aurait été magnifiée, transcendée par sa vanité. Elle lui exprimerait son admiration pour la force de son amour, pour ce qu'il a fait pour elle mais le rappellerait à la raison par cette borne verbale.
Au lieu de cela, sans doute pour justifier une plus longue présence de Krueger à l'écran, jusqu'à ce moment très distanciée, le film se lance dans la cavale et s'achève sur un fin ouverte qui accuse de son changement de rail: ce n'est plus Pour elle mais Pour lui (elle lui demande pourquoi il ne lui a pas parlé de ce plan d'évasion et il lui répond que c'est parce qu'elle n'aurait pas été d'accord) ou La Cavale 1: S'évader qui laisse attendre un La Cavale 2: Rester libres.
Le plus dommage? Ce non qui eût fait du film un chef-d'oeuvre est gâché par ce passage de la scène de refus catégorique de la fugue à la fugue catégoriquement imposée. Non / en fait si. Un procédé cinématographique classique du registre ... comique. Le réalisateur a blessé son film en une scène et aurait pu se rendre compte de son erreur d'aiguillage pile à ce moment. Dommage...
On gardera donc à l'esprit que Pour elle est un très bon thriller qui aurait pu être bien meilleur à un choix près.
On gardera à l'esprit que Pour elle n'est pas un film mais deux films imbriqués l'un dans l'autre, d'égale qualité, faisant unité, mais dont il n'était pas nécessaire qu'ils fassent corps ensemble.
Un très bon film, non pas un excellent.