Une certaine forme de perfection
Il paraît que ça fait du bien de regarder de temps à autre des comédies américaines, que ça aide à ne pas s'endormir tout de suite. Soit. C'est vrai, je ne me suis pas endormi et je ne me suis pas non plus levé pour aller boire ou manger. Je concède tout de même que la dernière demi-heure m'a paru particulièrement interminable. Cela dit, j'ai quand même ri chaque fois qu'il y avait des violons en musique de fond pour les scènes particulièrement émouvantes. Mais sans doute étaient-ce ces violons qui, précisément, devaient donner envie de pleurer.
En fait, tout est parfait dans ce film. Trois acteurs hors pair : Jack Nicholson, plus vrai que nature, imitant ses propres tics jusqu'à la nausée, Helen Hunt, sans doute celle qui tire le mieux son épingle du jeu dans le casting, et Greg Kinnear, voisin gay de rêve. Une mise en scène nerveuse même si elle s'essouffle petit à petit. Une cinématographie très claire pour que tout le monde comprenne bien, avec un ou deux plans-séquences plus léchés que dans une série TV. L'histoire, elle, est une improbable comédie à trois réunissant un vieux misanthrope riche, un jeune artiste homosexuel et une jeune femme mère d'un enfant malade et serveuse dans un café. Ernest Lubitsch et Billy Wilder n'auraient pas renié ce synopsis. Elle comporte un épisode road-movie qui aura, comme il se doit, un effet cathartique sur les trois protagonistes. La question est même ouverte de savoir si, à la fin, l'artiste gay ne va pas revenir à une orientation sexuelle plus proche de celle de la majorité. Dans la logique implacable d'une très belle comédie de mœurs pour les familles, ce serait la conclusion moralement la plus satisfaisante puisqu'elle permettrait au fils artiste et fauché de renouer avec ses parents riches et bien-pensants. À cette seule perspective, le bon peuple moyen et basique sera ému aux larmes, le film pourra être plébiscité par l'ensemble de l'establishment, voire même recevoir les plus prestigieuses récompenses du septième art. Ce dont il a d'ailleurs été honoré.
Ainsi posée, la question que j'évoquais en amène une autre : comment fait-on un film parfait? Un film dont chaque élément de l'intrigue est cohérent, dont tous les ressorts sont parfaitement huilés, un film sur lequel les plus éminents script doctors consultés n'ont absolument plus rien trouvé à redire ? La réponse est dans «Pour le pire et pour le meilleur». Le résultat est dans le titre même du film : parfaitement plat, acratopège et vide pour le pire, qui retient le spectateur jusqu'à la fin pour le meilleur, avec l'étrange sentiment de s'être fait parfaitement rouler pendant plus de deux heures.
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