Film à petit budget, un peu foutraque, assez austère, avec quelques scènes maladroites, Pour le réconfort, le premier long métrage de Vincent Macaigne, n’en est pas moins intéressant. D’abord parce qu’il tranche avec ce que le cinéma français nous offre habituellement, à la fois dans son propos et dans sa forme et ensuite parce qu’il prouve que le manque d’argent ne fait pas forcément le malheur des spectateurs, quand on a quelque chose à dire et qu’on l’exprime de façon singulière.
Pascal et Pauline, deux enfants issus de l’aristocratie provinciale, mais désormais bobos cosmopolites depuis qu’ils ont hérité de leur père, doivent revenir dans les environs d’Orléans pour vendre le domaine et la vaste demeure familiale, faute d’avoir les fonds suffisants pour l’entretenir. Ils retrouvent à l’occasion des anciens camarades d’enfance, restés au pays, aux origines nettement plus modestes.
Emmanuel et Laure ont créé à la sueur de leur front un parc de maisons de retraite qui prospère et souhaiteraient acheter le domaine des héritiers, en vue d’étendre leur entreprise. Laurent et Joséphine, plus limités intellectuellement, sont un peu le cul entre deux chaises, admirant la réussite et l’aisance de Pascal, mais se sentant du coté des laissés pour compte. Ils ne sauront pas vraiment pour qui prendre parti quand les deux autres couples s’enverront leur quatre vérités à la figure.
Dans son propos, Vincent Macaigne nous informe que la lutte des classes est loin d’être terminée et que la guerre générationnelle (les vieux contres les jeunes), tout comme celle entre les cosmopolites et les enracinés (qui dépasse les traditionnelles oppositions droite/gauche) ne sont pas loin d'atteindre leur paroxysme.
Dans la forme, le coté brut de la mise en scène colle bien au propos et le format carré enferme les personnages, comme chacun est enfermé dans ses convictions, ses intérêts, son mode de vie et ses origines. Il y a essentiellement des plans fixes, le plus souvent serrés, sans soucis de faire beau, voire volontairement dans l’idée de faire moche, à l’arrache, histoire d’effaroucher le bourgeois ou de bousculer les conformismes.
Les dialogues sont eux aussi souvent très incisifs et savoureux. Enfin, quand je dis dialogues, je devrais plutôt parler de suite de monologues, tant on a l’impression d’assister à un dialogue de sourds.
On peut néanmoins reprocher au jeu des comédiens d’être un poil trop théâtral pour être vraiment convaincant et déplorer que certaines scènes sonnent un peu faux. Le film aurait peut être aussi gagné à être un peu moins bavard et aurait pu se passer de deux trois scènes superflues. Mais les rapports de classes sont bien exposés, avec Emmanuel le travailleur voulant récolter les fruits légitimes de son labeur, qui crie sa haine viscérale envers Pascal, l’aristocrate déchu, un peu détaché de tout, mais sûr de sa supériorité ancestrale, qui toise de haut et méprise ce nouvel entrepreneur, le nez dans la bouse, aux ras des pâquerettes, alors que lui le bien né, a, comme il le dit, "une pensée verticale" qui lui permet d’aborder les problèmes à la distance idoine.
Ce qui est surprenant, c’est que les nantis ne sont pas sympathiques (ça on s’y attendait), mais les prolétaires non plus. Le couple Emmanuel/Laure s’avère trop haineux et finalement juste motivé par un désir de réussite et de revanche sociale et le couple Laurent/Joséphine, manque de caractère et se montre trop veule pour gagner notre estime.
Tout cela concourt à faire de Pour le réconfort (titre ironique), une œuvre peu aimable, mais sincère et percutante. On est loin des films militants vantant les mérites de la classe ouvrière et l' exhortant à faire la révolution. Ici, il y a juste un constat brut des antagonismes de notre société, asséné avec force, mais sans pour autant déboucher sur une solution ou une marche à suivre, ni même sur une explosion finale qui aurait valeur de catharsis.
Note : 6,5