Le film documentaire Pour Sama est évidemment déchirant. Qui pourrait rester insensible à la détresse de ce couple et de cet enfant tout mignon, pris dans une guerre abominable ? Mais là ou le bas blesse, c'est que la réalisatrice, pourtant journaliste professionnelle, ne s’embarrasse d'aucune analyse géo-politique un tant soit peu honnête, pour décrire la vraie situation de la Syrie en guerre. En effet, que voit-on ? De méchantes forces gouvernementales, alliées aux méchants russes, qui bombardent et massacrent sans discernement les populations civiles des quartiers "rebelles" d'Alep. A aucun moment, la réalisatrice n'explique quelles sont les forces en présence, à savoir d'un côté des forces rebelles au régime en place, quasiment toutes issues de la mouvance djihadiste, dont beaucoup sont soutenues par le camp occidental (on parle dans les journaux mainstream occidentaux "d'islamistes modérés") et de l'autre un gouvernement légitime, certes inique et dur, mais qui défend l'intégrité de son territoire. Qu'il existe parmi les rebelles des démocrates qui veulent un régime moins autoritaire, c'est une évidence, et ce couple en fait certainement partie, mais ceux là ne sont généralement pas armés, ou s'ils le sont ils sont nettement minoritaires parmi les forces en présence. L'immense majorité des rebelles armés ne veut qu'une chose, instaurer en Syrie un régime islamiste dur, et cela n'est jamais dit dans le film. Alors oui, nous pouvons pleurer avec les protagonistes du documentaire, parce qu'ils sont victimes d'une guerre horrible, mais les coupables ne sont pas seulement ceux que le film nous désigne. Arabie Saoudite, Qatar, Turquie, Émirats Arabes Unis, Israël, tous, peu ou prou et pour des motifs divers, ont voulu la peau de la Syrie, avec le soutien des occidentaux, américains en tête, qui ont été bien mal inspirés d'aller s'allier avec ceux là mêmes qui veulent détruire une Syrie laïque. De tout cela, il n'en est pas question dans le film. Mais le plus fort, c'est qu'aucune critique n'a relevé ce qui pourtant saute aux yeux dans le déroulement de la tragédie décrite et montre bien, en creux, l'évolution de cette triste guerre. La jeune réalisatrice est montrée en photo au début du film, long cheveux au vent, comme une étudiante libre et émancipée. Ça, c'était avant que les djihadistes n'imposent à toutes les femmes des quartiers d'Alep "libres" le port du voile. Dans toutes les séquences tournées après la prise de ces quartiers par les "rebelles", elle est toujours voilée ou au mieux porte un grand bonnet sur la tête. C'est donc ça, l'émancipation tant réclamée par les étudiants lors des premières manifestations anti Assad ? Je ne suis pas étonné que tout les médias bien pensants aient crié au chef-d’œuvre, sans se poser plus de questions, mais que l'immense majorité des critiques de ce site soit sur ce même crédo béat me sidère. A quand un documentaire qui livre enfin les clés pour comprendre vraiment la situation syrienne ?