En 92, la petite mode des biographies de gangsters ou de policiers situées entre les années 20 et les années 70 battait son plein à Hong Kong. Du haut de sa jeune compagnie, le réalisateur David Lam décide lui aussi de se lancer dans la bataille en mettant en scène ce Powerful Four. Deux caractéristiques cependant le distinguent de la masse des exploiteurs en tout genre. La première, c'est son implication à la fin des années 70 dans le département communication de l'I.C.A.C. Ce travail lui a permis d'acquérir une certaine connaissance des affaires qu'a eu à traiter la fameuse commission ainsi que l'état de la corruption avant son installation. Un savoir utile quand il s'agit de faire un polar d'époque. La seconde caractéristique tient à l'expérience antérieure de metteur en scène de Lam. Il est bon de rappeler que celui-ci est le coupable de l'hallucinant Hong Kong Gigolo entre autres œuvres. En d'autres termes, David Lam est capable de faire du grand n'importe quoi sans complexe. Et ces deux tendances contradictoires se retrouvent dans ce Powerful Four.

La bonne connaissance des dossiers de l'I.C.A.C. a clairement servi de base à Lam et à Wong Chi pour mettre au point le scénario du film. Ainsi, on retrouve un peu de l'affaire Godber à travers le personnage de superintendant corrompu joué par Mark King. Pour rappel, l'affaire Godber fut une des plus retentissantes affaires de corruption ayant été mise à jour dans un Hong Kong alors largement dominé par le dangereux pouvoir de l'argent sale puisqu'elle visait un citoyen Britannique blanc occupant un poste majeur dans l'administration coloniale (superintendant de la police). Sous la pression de la population, pour qui cette affaire représentait la goutte de trop dans un vase déjà largement bien rempli, l'I.C.A.C. fut mis en place afin de lutter contre la corruption en général et pour obtenir la peau de Godber en particulier. En plus de ce simili-Godber, on retrouve les classiques guerres entre triades qui ont nourri tant de scénarios de polars (d'époque ou contemporains). Si on ajoute à cette configuration, un groupe de policiers hétéroclite, incarnant les différentes attitudes possibles face à la corruption (incorruptible, entre deux eaux voire franchement adepte de ce genre de pratiques), on obtient un scénario complet et intéressant.

C'est malheureusement là qu'intervient la deuxième facette de David Lam, celle de l'adepte de la surenchère, du metteur en scène capable du meilleur comme du pire. Ainsi, avant de rentrer dans le vif de l'histoire, Lam nous propose un court prologue situé dans le présent suivant l'enquête d'hommes de l'I.C.A.C. (tiens, tiens !) contre nos « héros ». Passons sur le risible maquillage des acteurs pour simuler leur vieillesse (hop, on fait quelques cheveux gris à Simon Yam et c'est bon !), le problème c'est qu'on ne verra à aucun moment dans le récit principal de comportements de la part de Danny Lee ou Waise Lee justifiant une telle enquête. Ce prologue ne devait d'ailleurs pas beaucoup intéresser Lam puisqu'il ne lui donnera même pas de conclusion en fin de métrage ! Dommage, ces segments contemporains auraient pu aboutir à une réflexion intéressante sur l'évolution du rapport à la corruption dans la société Hongkongaise mais c'était probablement trop en demander à Lam. Ce type de traitement inabouti se retrouve constamment dans Powerful Four. La romance, par exemple, permet un développement plus approfondi de No Head mais perd largement de son impact à cause des grosses ficelles narratives employées (on se croirait dans Cendrillon !) et de certains trous béants (Waise Lee semble s'intéresser de près à la jeune femme mais cela ne mènera à rien scénaristiquement parlant).
A contrario, il est bon de souligner que, pour une fois, le traitement des gweilos n'est pas trop caricatural. Et pour un Godber manifestement pourri (un fait historique avéré, on l'a vu), on notera l'importance accordé à son irascible collègue, un officier tendance coloniale vieille école prêt à soutenir ses hommes et tout à fait intègre.

Comme souvent avec beaucoup d'œuvres de Hong Kong, et tout spécialement celles de la mode des polars d'époque du début des années 90, la clé pour apprécier l'œuvre réside dans sa nature de divertissement. Les différents éléments de réflexion ou de travail sur les personnages détaillés dans la présente critique sont bien trop gros pour le réalisateur basique qu'est Lam. Ils sont irrémédiablement bâclés, pour la plupart, et ce malgré les bonnes intentions du metteur en scène. Inversement, le film dispose de suffisamment de bonnes séquences d'action (réglées par un Yuen Tak au meilleur de sa forme), d'un rythme soutenu et d'une belle brochette d'acteurs charismatiques pour que l'on passe un bon moment à sa vision pourvu qu'on ne réfléchisse pas trop.

Au sein d'un courant de faible envergure artistique, Powerful Four fait office de bon élève et ce malgré ces nombreux manques. David Lam récidivera l'année d'après dans son First Shot, cette fois ci entièrement consacré à la création de l'I.C.A.C. et présentant les même défauts (scénario qui fait la part belle au spectaculaire à défaut de réflexion poussée) et qualité (bonne action, aspect divertissant bien mené) que cette première tentative.
Palplathune
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le 28 févr. 2011

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