Cette critique fait partie de la liste "John McTiernan, the Last Action Hero".
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The Hunter...
C'est sous ce titre que le script des frères Thomas atterrit dans les mains de John McTiernan. Celui-ci n'a alors à son actif qu'un petit film étrange, le méconnu et sous-estimé Nomads.
Selon la légende, Jim & John Thomas auraient écrit le script suite à une boutade.
En effet, Rocky IV étant à peine sorti (après Mister T dans le 3ème épisode, le boxeur doit se battre à présent contre Ivan Drago, sorte de "Terminator" Russe), il était annoncé que le prochain adversaire ne pourrait être qu'un extraterrestre...
Cette galéjade eut pourtant un impact sur la fratrie de scénaristes, puisqu'ils écrivirent The Hunter dans la foulée.
Cette "blague" fut achetée par la Fox et le projet commença vraiment à voir le jour en 1986.
Schwarzenegger fut choisit par le "top-prod" Joel Silver (leur précédente collaboration sur Commando ayant portée ses fruits) pour être la tête d'affiche.
Le reste du casting découla du principe ( bien vite éculé) "multi-ethnique":
- les Cherokees Sonny Landham et Richard Chaves,
- les Afros-Américains Carl Weathers, Bill Duke et Kevin Peter Hall,
- la Mexicaine Elpidia Carillos
- et le Danois Sven Ole-Thorsen.
La team sera complétée avec le scénariste Shane Black (amené par Silver) et le catcheur Jesse Ventura.
McTiernan n'est pourtant pas ravi du scénario en l'état. Il y apporte donc quelques modifications (il supprime par exemple une séquence se déroulant à l'intérieur du vaisseau Predator, qu'on retrouvera dans Predator 2), prouvant par ailleurs à la prod qu'il n'est pas un "yes man" de plus, mais qu'il s'implique personnellement dans son travail.
Une fois validés ces changements, le tournage peut commencer.
McT semblait content de la tournure de la chose, jusqu'à ce qu'apparaisse le "Hunter" sur le plateau.
Il s'aperçoit alors avec horreur que la créature est hideusement cheap, se déplace lourdement et que sa tête insectoïde (perchée sur un long cou) dodeline paresseusement dans tous les sens.
McT est catastrophé et c'est Stan Winston qui est appelé à la rescousse par Schwarzy himself (il venait tout juste de sortir du tournage d'Aliens) .
Le Hunter - renommé Predator entre-temps - est donc totalement recrée par l'équipe de Stan Winston.
Celui-ci s'inspira d'un croquis présent dans le bureau de Joel Silver: la représentation d'un guerrier Rasta.
Le concept lui plu immédiatement et c'est à la faveur d'une tournée promotionnelle au Japon (pour Aliens) avec Cameron, que ce dernier lui glissa qu'il avait toujours voulu voir une créature avec des mandibules.
Winston - qui était en train d'améliorer la silhouette de son Predator - avoua que l'idée était intéressante et inclut cette particularité dans son croquis.
Stan Winston avouera que bien qu'il soit crédité comme l'unique designer du film, il n'eut en fait qu'à assembler ces différentes sources pour la création de ce personnage devenu culte...
De retour à L.A, Winston va devoir annoncer deux nouvelles à son équipe:
- la bonne, c'est qu'ils ont un nouveau monstre à fabriquer,
- la mauvaise, c'est: qu'ils n'ont que 6 semaines pour concevoir la créature !
La team Winston est catastrophée en entendant ces paroles.
Jody Duncan - l'un de ses membres - rapportera les propos stupéfaits de l'équipe:
-"Why are we doing this, Stan? This is going to kill us!"
Et Winston de répondre sincèrement:
-"Because this is going to be a great movie !"
La post-production s'attardera sur les effets visuels dû aux talentueux spécialistes de R/Greenberg Associates et Dream Quest Images, tandis qu'Alan Silvestri composera l'une de ses plus mémorables partitions (Predator 2 sera pourtant une BO encore meilleure) et donnera un cachet "tribal" au film.
Predator sera un gros succès et engrangera quasiment 100M$ au box-office (pour un budget 10 fois moindre) et fera bon nombre de petits, "direct" (Predator 2, Predators) et "indirect" (le diptyque Alien Vs Predator).
Qu'en est-il de ce film, exactement 30 ans plus tard?
Survival bestial superbement mis en image par McT, Predator bénéficie du charisme de ses acteurs, tout autant que de la créature-titre qui est une franche réussite.
Cet odyssée dans la jungle nous présente donc une troupe de militaires aguerris "trompes-la-mort", face à une menace qui leur est totalement inconnue.
Cette présence fantomatique éveille en eux une terreur ancestrale, de par sa furtivité et son penchant pour les trophées de chasse.
Malgré l'arsenal à leurs dispositions, les soldats d'élite seront impitoyablement éliminés les uns après les autres.
Ce sera donc au final, un duel mano à mano qui désignera le "vainqueur".
Ceci dit, qui est réellement le grand gagnant?
Est-ce Dutch car il a survécu aux assauts répétés de son adversaire?
Ou alors le Predator, qui a décimé toute son équipe et s'en tire par une pirouette finale explosive..?
Exploitant au maximum la cinégénie de la forêt tropicale Mexicaine, ce second long-métrage de McT prouve ainsi qu'il devient un réalisateur à suivre.
Sorte de parcours initiatique traitant de la "dé-évolution" - soit le cheminement inverse amenant un homme dit moderne, à redevenir l'être primal qu'il était à l'origine - Predator explore des facettes insoupçonnés à la simple lecture du script et réussit à transcender son concept de base linéaire, permet tant ainsi d'offrir un actioner/survival qui a su marquer son époque..
En effet, Dutch - après avoir usé d'une technologie militaire via les armes à feu et des déplacements tactiques - va abandonner toute modernité (y compris le langage) et cela pour fusionner avec sa vrai nature, celle d'un être en phase avec son environnement .
Ainsi - couvert de boue protectrice - il va exploiter au maximum les avantages de la jungle primaire et fabriquer des pièges ou armes, au moyen de branches taillées.
Une fois cela fait, il va défier le Predator et donner sa position en lâchant un cri primal, qui résonnera comme un retour aux origines de l'Homme.
Les rapports sont inversés à présents: là où le chasseur extra-terrestre était méticuleux (déplacement furtif, tirs précis) et les Hommes en pleine confusion (la fameuse scène du mitraillage de la jungle), Dutch devient l'ombre invisible et concentré, quand le Predator tire à tout va car il ne peut localiser sa proie, malgré sa supériorité technologique extraordinaire...
Il est à noter que ledit Predator est tout de même doué d'un certain code de l'honneur.
Effectivement, ayant commencé sa traque (hors-champs, avec l'équipe précédent celle de Dutch) en usant uniquement son arsenal sophistiqué, il prendra en compte la "valeur" de ses proies, au fur et à mesure que le métrage avance.
De plus, le chasseur extra-terrestre n'attaquera jamais une proie non-armée car ce ne serait que trop facile...
Une sorte de respect envers l'Homme se fait jour et de fait, la créature ne chasse plus simplement pour le plaisir, mais a réussi à trouver un adversaire à sa taille en la personne du Major Dutch...
En résumé, un moment chargé en testostérone au sein d'une jungle inhospitalière, pour un film ayant réussit à franchir sans encombre, le cap des 30 ans. Certes, la caractérisation des personnages n'est pas très fouillée, mais elle reste assez "terre-à-terre" car nous avons à faire à des soldats aguerris trop confiants au vu de leurs expériences collectives.
Cela étant, le but du film n'étant pas une étude psycho-sociologique du post-trauma des barbouzes en cette fin des années 80, mais la rencontre de deux espèces dominantes qu se font miroir et qui veulent satisfaire leur soif de vaincre.
Merci John!
"If it bleeds, we can kill it!"