En 1979, Ridley Scott présentait un alien particulièrement féroce, beaucoup essaieront de l'égaler sans y parvenir, jusqu'à 1987 où John McTiernan, le maître de l'action movie des années 80-90, lance un nouvel alien ravageur qui va devenir aussi mythique que le métamorphe de Ridley, c'est même devenu un des monstres du cinéma moderne les plus réussis, non seulement par son design à la fois horrifique et fascinant (dû à l'atelier de Stan Winston et à Kevin Peter Hall qui s'est glissé dans l'armure), son allure de géant puissant aux armes à la technologie de pointe, mais aussi par la crainte qu'il inspire et ce qu'il représente, car il ne se découvre que vers le troisième tiers du film ; avant cela, on ne sait pas qui il est, le spectateur s'interroge comme les 7 gars du commando de Dutch, c'est une entité inconnue qui apparemment les traque tel un chasseur.
Le plus étonnant, c'est qu'on ignore encore en 1987 que ces 2 aliens de légende vont s'affronter plus tard dans 2 séquelles. McTiernan remplace l'espace par la jungle étouffante du Mexique (à Puerto Vallarta au centre du pays) et pour donner une sensation encore plus accrue de jungle suffocante, il fait rajouter de faux arbres et des rideaux de verdure afin de donner aussi de la profondeur, de même qu'on arrosait en permanence la végétation pour donner à la nature cet aspect humide et suffocant.
Comme on le voit, ceux qui ont vu en Predator un vulgaire film de commando bourrin se sont mis le doigt dans l'oeil, car McT crée une véritable atmosphère afin d'installer un climat de terreur diffuse. Le film commence d'ailleurs comme une variante de Rambo II la mission, un actionner typique des années 80 avec sa petite escouade de mercenaires aguerris et surentrainés, et à peine caricaturaux, mais il leur donne des personnalités attachantes : Billy dont le sang indien lui fait sentir la présence de cette entité qui lui fout la pétoche (Déconne pas Billy, j't'ai jamais vu avoir la pétoche), Blain l'armoire à glace à l'allure de Texas Rangers, Mac le sergent au caractère d'acier, Hawkins le radio aux blagues vaseuses (et qui sera la première victime du predator), Poncho le Latino endurci, et même Dillon ex-partenaire de Dutch dans l'action et devenu gratte-papier de la CIA. Bref, ce ne sont pas de simples soldats crétins destinés à servir de chair à pâté, ça se vérifie surtout dans la scène de l'hélico après le briefing. Ils seront hélas tous éliminés par cet alien redoutable, laissant seul Dutch l'affronter.
Il y a ensuite l'attaque méthodique et organisée du camp de guerilleros qui est réglée en quelques minutes ; là on se croit encore dans un film d'action ou de guerre, on ne sait pas ce qui va arriver, et soudain, ça bascule dans l'horreur et le fantastique, Hawkins se fait étrangement écharper, et McT cultive alors un univers mystérieux et angoissant en un crescendo où la tension monte peu à peu dans cette jungle où n'importe quel ennemi peut être tapi, et qui doit s'achever par un fight ultime où le chasseur impitoyable affronte l'humain qui lui a résisté par l'astuce, il dépose alors armes et casque, tout en se méfiant des ruses de cet humain dont il a sous-estimé le potentiel.
L'un des atouts de ce film est de ne pas montrer l'alien rapidement, un peu comme Spielberg avait fait avec le requin des Dents de la mer, d'abord on ne comprend pas trop ces images en vision thermique, et puis on s'habitue à voir par le regard du predator via la caméra subjective, c'est un paramètre intéressant. Autre atout : la musique d'Alan Silvestri, je me souviens quand j'avais vu le film en salles que ce musicien m'était inconnu, et d'emblée, je me suis dit, ce gars va devenir un de mes préférés dans les BO de films ; sa musique n'est pas constituée par des morceaux longs comme chez Zimmer ou Williams, mais par de petits modules extrêmement percutants qui scandent des actions et qui participent à l'angoisse en faisant monter la tension, ça m'avait énormément plu.
L'atout n°1 est bien sûr Schwarzenegger, on se dit qu'avec sa carrure, il va dominer la situation, et on s'aperçoit qu'il se fait rosser par le predator, mais son charisme, ses répliques à la pelle (Aiguise-moi ça, Je suis pas un outil qu'on jette à la ferraille ou encore le marquant S'il peut saigner, on peut le tuer et bien sûr le célèbre T'as pas une gueule de porte-bohneur), et son interaction avec ses hommes qui aiment les plaisanteries viriles (Bon Dieu, z'êtes qu'un ramassis de lopettes, faites-vous les mâchoires avec ça, et vous banderez comme un dinosaure, r'gardez-moi)... tout ceci contribue à forger un rôle en béton.
L'évocation d'une jungle de plus en plus menaçante est bien rendue par McTiernan ; qui est le predator ? comment le combattre ? comment le vaincre ? toutes ces questions restent aussi évasives, et le pessimisme réaliste de Billy est significatif (On va tous y rester). Les remarquables effets spéciaux, le soin apporté aux cascades (avec l'attaque du camp réalisée par la seconde équipe dirigée par Craig Baxley), la mise en scène au cordeau de McT, tout contribue à rendre ce survival intense, captivant et haletant, on ne nous épargne aucun répit. Et ce qui aurait pu n'être qu'une banale mission de commando échappe très vite aux conventions pour trouver un ton très original et imprévu.
C'est sans doute à cause de tout ceci que je vois ce film depuis 1987 au moins 1 fois par an, sans lassitude, je dois en être à ce jour à près de 70 fois, j'en connais toutes les répliques, c'est incroyable, aucun autre film ne me fait cet effet, je ne sais pas à quoi ça tient... Voici donc un pur chef-d'oeuvre du film d'action, il n'a pas du tout vieilli, il a inspiré nombre de films similaires, il est tout simplement cultissime.