Le lexique du temps
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Poursuivons donc les aventures de réalisateur de M.Villeneuve...
Beaucoup d'encre s'est écoulée cette année sur ces projets ambitieux que sont Premier Contact et Blade Runner 2049. Sans revenir en détail sur le début de sa carrière internationale, je tiens tout de même à redire que ce réalisateur est ce qui se fait de mieux en matière de récits originaux et d'ambiance depuis ces dernières années. Pour ma part, je le place au même titre que Nicolas Winding Refn dans cette "relève" du cinéma portée par un savoureux mélange de grand public, de cinéma de genre, voire d'auteur.
Evidemment le tapage médiatique et la promotion faisant leur travail à fond, Premier Contact était attendu, et ce dès son annonce, comme l'essai d'un nouveau genre pour le canadien, s'exportant par la même à Hollywood. Double enjeu donc : faire de la SF plus grand public que ses derniers films, tout en gardant ses convictions d'auteur (déjà noté dans ma critique de Sicario), mais également marquer des points afin de rassurer les énormes attentes que suscitent une suite de Blade Runner.
Premier Contact impressionne, et le fait à bien des degrés.
Il est incroyable et grisant de remarquer en quelques minutes qu'on à bien affaire à Villeneuve derrière la caméra. L'empreinte forte de son cinéma, le travail sur les ambiances lancinantes et glacées, la photographie toujours d'une grande beauté, tout ces détails sont sans équivoque. La patte du canadien est indéniable, remarquable entre toutes et pourtant difficilement explicable, ce qui donne à la lisibilité de son travail artistique encore plus de valeur.
Sicario avait déjà ce don de l'ambiance et de la maîtrise du temps dans le récit. Enemy également, mais le côté anxiogène et psychologique en plus poussé. On pouvais reprocher au dernier film de Villeneuve de surfer uniquement sur cette peur et cette pression ressentie, avec un scénario assez pauvre au final. Cette fois, dans Premier Contact, l'auteur semble avoir réussi à mêler le sens et l'image.
La gestion de la narration dans ce film est exemplaire. Le film prends son temps, nous égare, nous perds dans ses méandres, pour enfin nous amener à la révélation, au sens voulu. Là où Enemy par exemple pouvait perdre quelque peu en lisibilité, ou paraître noir et fermé, Premier Contact ouvre les porte sur sa réflexion. Le final arrive comme une vraie douceur, à peine une dernière attention sur ce qui est déjà extrêmement palpable, ressenti grâce à une mise en scène et à une construction réussies.
La direction artistique est également remarquable. Amy Adams est, comme pouvait l'être Emily Blunt précédemment, brûlante de réalisme et rend une interprétation vivante et sensible. Denis Villeneuve sait définitivement travailler avec ses actrices. Jeremy Renner est également très bien, cabotinant bien moins qu'à son habitude, et adoptant un jeu plus en subtilités. Lui donner un rôle en dehors des blockbusters afin de montrer ses possibilités est un bel effort récompensé.
Je serai un peu plus dans le doute quant au choix porté sur Forest Whitaker. C'est un acteur contemporain de premier ordre, cependant le personnage étant moyennement mis en avant dans le récit, je ne suis pas sûr de saisir pourquoi prendre une figure aussi connue et emblématique des films d'auteur de ces 10 dernières années. Il aurait pu s'agir d'un autre, cela n'aurai en rien changé la performance globale du film... Un bon choix, certes, mais que j'ai du mal à justifier.
Le film existe aussi en grande partie grâce à sa bande son tout à fait exceptionnelle. Comme à l'habitude, chaque moment important du récit et chaque apparition clé sont accompagnés par des sonorités très présentes. On retrouve ces basses lourdes et angoissantes, mais aussi et pour la première fois dans la filmographie de l'auteur, des ambiances plus légère, plus douces, disséminées dans ces flash-back/forward incessants.
D'ailleurs, je ne souhaite en aucun cas parler des détails de la construction du scénario, que je trouve très bien mené. Juste à dire que le twist (tout de même attendu et lisible), reste sans être une véritable surprise, la clé qui justifie le discours global de Premier Contact, et fera passer son message humaniste et enthousiaste. Car oui, sous ses images d'un sombre profond, et cette ambiance claustrophobe, le film est résolument tourné vers l'avenir, la notion d'amour et la capacité de l'homme à communiquer. Et non pas forcément, comme le suggère la première partie, avec d'autres entités, mais par-dessus tout avec lui-même.
Denis Villeneuve ne s'essouffle pas, et crée un nouvel évènement avec Premier Contact. Ce film, sans oublier qu'il n'est pas parfait, est un long métrage qui offre de belles émotions aux spectateurs. C'est peut-être le film le plus généreux de la carrière du canadien jusqu'à aujourd'hui.
Le récit, l'ambiance et la mise en scène accompagnés par la maîtrise sonore, sont totalement cohérents.
Essai transformé donc, et à cela en deux choses, puisque les amateurs de science-fiction vont pouvoir dormir sur leurs deux oreilles (enfin à peu près.....) quant au fait que Villeneuve sera aux commandes de Blade Runner 2049.
A suivre une fois de plus, avec une certaine appréhension pour 2017, mais comme je n'ai encore jamais été déçu, j'ai très bon espoir !
Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à sa liste Oscar du meilleur film 2016
Créée
le 8 janv. 2017
Critique lue 362 fois
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