On connait la société de production Continentale pour Le corbeau ou La main du diable, des œuvres assez sombres, mais elle faisait des choses plus joyeuses à l'instar de ce Premier rendez-vous que j'ai trouvé pétillant au possible.
Incarné par la sublime Danielle Darrieux, celle-ci incarne une jeune orpheline, qui correspond avec un homme qu'elle ne connait pas. Éprise de liberté, elle va fuir durant quelques heures l'orphelinat pour rencontrer ce personnage qui semble l'avoir séduite par ses écrits...
Il y a quelque chose de Katharine Hepburn chez Darrieux, qu'on voit non seulement ingénue au départ, mais qui s'affirme peu à peu, et aussi un débit de paroles qui va à cent à l'heure. On sent qu'elle est passée auparavant par Hollywood, qu'elle a vu ce qu'était le screwball comedy à la Howard Hawks, et c'est pour ça que cette comédie française a quelque d'américain dans le ton, dans le rythme.
Je peux souligner notamment tout ce passage où elle est cachée dans un internat pour garçons et, uniquement vêtue d'une nuisette, elle a calé la porte avec une chaise de peur qu'on la découvre. Et il y a tout jeu formidable de cache-cache avec le majordome, où elle doit ouvrir la porte très rapidement, qui se conclura par passer au-dessus du lit car elle y a bondi trop vite ! C'est quelque chose qu'on voit très peu dans la comédie française de cette époque.
Tout le film consiste en une belle histoire de quiproquos, avec le bel amoureux qui est incarné par le jeune Louis Jourdan, Fernand Ledoux qui joue le premier homme que Darrieux voit à son rendez-vous, et la surprise de voir très rapidement Daniel Gélin, un des étudiants de l'internat.
Il y a d'ailleurs quelques passages chantés, dont le fameux Premier rendz-vous, mais ça ne brise pas la continuité de l'histoire qui se suit avec un grand plaisir, jusqu'à un épilogue convenu, mais qui nous rappelle qu'on est avant tout dans une romance.
C'est d'ailleurs amusant de constater que le film date de l'Occupation, et qu'on n'y aperçoit rien de tel à l'écran, bien que tout y fut tourné en studio. C'est tout le paradoxe de la Continentale, à savoir une société très ambiguë de par ses capitaux allemands, mais qui a souvent donné d'excellents films, comme celui-ci.
Quant au réalisateur, Henri Decoin, qui est l'auteur de ce chef-d’œuvre qu'est La vérité sur Bébé Donge, il filme avec bonheur son épouse, et ça se ressent dans le plaisir qu'on a à voir Premier rendez-vous.