Critique contenant des spoilers sur la conclusion du film.
Dernier volet de la trilogie de Thomas Lilti sur le milieu de la médecine, Première Année commence au début du voyage des médecins, là où ses deux prédécesseurs se déroulaient en plein exercice. Bien qu'il montre quelques passages d'exercice, il s'intéressera plus à ce qui fait de PACES l'un des pires évènements de la vie d'un médecin, et des origines de leur volonté de suivre ce parcours, au travers de deux personnages que rien ne semblait réunir, pas même leur envie de réussir.
D'un côté, William Lebghil incarne le reflet d'une partie de sa génération : flemmard, reposé sur ses capacités depuis trop longtemps pour s'en sortir, il avance le sourire aux lèvres, l'air béat, jamais trop dynamique, jamais trop impliqué (quand il découvre PACES, bien sûr). Pour lui, il suffira de se lier d'amitié avec l'autre protagoniste du film, le talentueux Vincent Lacoste, pour commencer à bosser et se dire qu'un concours se ne gagne pas qu'à la force de ses acquis.
Lacoste incarne le triplant, celui qui se tue à la tâche pour un résultat décevant; pas assez bien organisé, peut-être même qu'il n'a pas les capacités de réussir. Le tableau est posé : il s'agira d'une histoire d'amitié sur fond de critique sociale,de ce système concurrentiel d'où réchappe rarement la santé mentale de ses participants. Cela, on s'en rend rapidement compte : Première Année met en exergue, par sa mise en scène, le côté industriel de cet abattoir de nouvelles têtes déterminées, plaçant un millier de candidats dans un entrepôt, comme des animaux qu'on s'apprête à changer en McDo.
Des plans impressionnants que le travail sur le son rend encore plus efficaces; des feuilles qui se retournent comme des oiseaux s'envoleraient, un tonnerre d'applaudissements n'étant pas sans rappeler les moeurs d'une tribu. Parce qu'il y a, dans Première Année, comme une volonté de retranscrire de manière mainstream ce sentiment de groupe inhérent à la fonction d'études en médecine, de ces 1ère, 2ème, 3ème année qui triment ensemble, envers et contre tous et risquent le burn-out, comme le montrera si bien Lilti avec le personnage de Vincent Lacoste.
Dommage, d'ailleurs, qu'il n'assume pas le choix de faire de son film un drame : désireux de le laisser volet comme une comédie, il manipule son scénario de sorte à esquiver tous les possibles moments de tristesse, ne les faisant durer qu'un temps. Face à l'inévitable sentence des résultat, un ultime acte héroïque arrive, qui n'aidera qu'un seul des deux personnages; celui qui, bien au fait de n'avoir fait ce métier que pour plaire à son père, devra se trouver une autre voie s'il veut s'épanouir dans la vie.
A Lebghil de donner corps à l'idée; vétéran de cette catastrophe de SODA, il surprend et se montre plus que bon acteur : il est touchant, touchant par ses petits sourires niais, par cet air béat qui ne semblent pas s'extraire de son regard d'imbécile heureux. Il porte le film sur ses épaules, nuançant la prestation du fameux Lacoste, un peu trop monolithique dans l'énervement, son manquant de nuance et sonnant trop "énervé à la française".
On aurait pu s'émouvoir de sa conclusion, tout autant que Lilti aurait du partir à fond dans son histoire, ne pas stopper la critique une fois arrivée à si bon port. Manquant de courage, Première Année n'est pas non plus dénué de pep's et de moments purement réussis. Il pose un constat réaliste et touchant du milieu, met bien en exergue la dureté impassible d'un système qui tue les rêves de ses enfants, pour les transformer en adultes bien pensants. Une très belle histoire, malheureusement gâchée par sa conclusion.
A voir.