En passant derrière la caméra avec son frère, l'actrice Romit Elkabetz signe un film d'une intensité rare et d'une portée gigantesque. Ensemble, ils filment à la perfection cette tension conjugale que tout le monde a pu un jour voir (dans une moindre portée pour beaucoup mais tout de même) avec ses silences, ses non-dits et ses cris... On assiste bel et bien au quotidien de deux personnes qui se connaissent depuis longtemps et pourtant ne se reconnaissent plus. Devant la caméra, Ronit Elkabetz l'actrice cette fois, et boulversante de justesse et d'intensité, et joue avec grâce et détresse à la fois; c'est une prestation unique que seule quelques actrices de son envergure sont capables de réaliser. Porté par cette incarnation, le film vogue lentement en témoignant d'un quotidien difficile et lourd d'ambiguité (le film essaye parfois tant bien que mal d'éviter le parti pris mais s'en sort un peu moins bien là dessus, passons), jusqu'à exploser dans une scène absolument hallucinante avec Elkabetz hallucinante de rage et de désespoir, et Simon Abkarian d'une sobriété glaciale. En effet, l'acteur renvoie efficacement la balle à sa partenaire en jouant avec détachement et dédain tout en laissant entrevoir les blessures du personnage et son désaroi face à une situation qui lui échappe alors qu'il ne peu se résoudre à s'abandonner face à sa femme. Gilbert Melki quant à lui joue à la perfection cet amoureux transi à peu tourné à la caricature mais néanmoins nécessaire à l'évolution et la compréhension du personnage d'Elkabetz. Enfin, il y a la question des enfants qui est très bien traitée mais qui aurait pu être approfondie puisque le sujet invite plusieurs fois à l'exercice, notamment en ce qui concerne la fille Gabriella, qui ne parle pas beaucoup mais qui laisse entrevoir les déchirures et la compréhension d'une pré-adolescente face à cette "guerre" conjugale. Au final, Prendre Femme s'avère être une belle réussite pour un premier film qui dérange quelque fois mais qui impressionne par sa réalisation, sa construction intelligente et sobre et surtout par la force d'interprétation de son actrice principale (et co-réalisatrice) Ronit Elkabetz.