De Sandrine Bonnaire, on a souvent dit ou écrit qu'elle était lumineuse dans ses rôles. Ce n'est pas le qualificatif qui vient à l'esprit pour Prendre le large car la femme qu'elle incarne, défaite et malheureuse, semble avoir éteint toutes les lumières de son âme (le film nous explique assez vite pourquoi). Ce film parle de délocalisation de l'industrie française, avec la surprenante décision d'une de ses employées de ne pas accepter d'être licenciée et de poursuivre son labeur du côté de Tanger (tiens, cela rappelle Crash Test Aglaé, mais il n'est point ici question de comédie). On peut avoir du mal avec ces prémices et les considérer comme moyennement crédibles et c'est un sentiment qui perdure tout au long du film. Néanmoins, on retrouve dans Prendre le large les qualités habituelles du cinéma de Gaël Morel : un certain sens du romanesque, l'attachement à ses personnages, une pudeur et une délicatesse de bon aloi. Le Tanger du film, qui n'a plus rien à voir avec celui, sulfureux et romantique, des grands écrivains se rapproche de celui décrit par André Téchiné dans Loin (un film avec ... Gaël Morel) : âpre mais toujours inondé de mer bleue. Le réalisateur et son interprète principale sont tous les deux d'ascendance ouvrière, une filiation qui irrigue le film et finit par se marier plutôt pas mal avec le désir d'une fiction quelque peu irréaliste porteuse d'espoir. De l'autre côté de l'amer.