Une variation réussie sur un archétype littéraire et cinématographique : la rencontre improbable d'un homme « normal » et d'un homme considéré à un égard ou un autre comme en dessous des normes : un handicapé, un naïf, un ingénu, un simple. Une rencontre souvent fortuite et peu voulue au départ qui se transforme en une amitié. Mais ce qui fait l'intérêt de chacun de ces films, c'est bien sûr le renversement des rôles : dans Rain Man, dans La Crise, dans Le huitième Jour, le « simple » révèle des capacités intellectuelles ou une sagesse qui font la leçon au « normal ». Dans Intouchables, on ne sait pas très bien qui est normal et qui est handicapé, entre le tétraplégique riche et cultivé et le handicapé social dégourdi. Ici, le « normal » exerce une profession qui le met un peu en marge et le simple est un philosophe, dans un rôle taillé sur mesure pour Alexandre Jollien. Mais un philosophe qu'on ne regarde pas comme un homme normal, c'est ce qui arrivait déjà à Socrate ou à Diogène.
Il y a aussi une subtilité de plus dans le film : ce personnage n'est pas handicapé de là où l'on croit, puisque avec ses phobies et sa difficulté à accepter son corps, il ne réussit pas à appliquer à lui-même la sagesse qu'il a apprise des philosophes. Mais il a quand même réponse à tout, avec cette jolie formule : « tu peux avoir la plus belle caisse à outils dans ta cave et être un piètre bricoleur. »