Les bons sentiments ne suffisent pas à faire de bons films, et même les belles réalités n'y parviennent pas toujours. Certes, cet homme est un héros, qui ne transige pas avec son idéal pour dire non à un régime totalitaire, au prix de sa vie. Une vraie figure christique, on est d'accord là-dessus. Mais avec une telle histoire, on peut écrire la Ballade de celui qui chanta dans les supplices, ou La Rose et le réséda, où tout est dit en une page. Ou bien on peut délayer l'histoire de celui qui croyait au Ciel dans un pesant film de patronage de 2h53, où tout est prévisible de la première à la cent-soixante-treizième minute.
Et parmi les lourdeurs du film, la moindre n'est pas l'emploi des langues : les paysans autrichiens protagonistes du film parlent anglais, puisque le film est fait par un Américain pour des Américains, incapables de lire des sous-titres. Mais les nazis parlent allemand sans traduction. L'anglais est la langue des good guys, l'allemand celle des barbares (mot qui signifie à l'origine "celui qui parle une langue incompréhensible"). On a du mal à comprendre comment des acteurs germanophones ont accepté de jouer cette caricature. Dans Lost in translation, on accepte un semblable cliché sur le japonais dans la mesure où il décrit une situation réaliste (des gens perdus dans une langue qu'ils ne comprennent pas) et métaphorique (de l'incompréhension dans les relations humaines). Mais ici,
ce détail aussi invraisemblable qu'inutile ne signe pas un grand film.