Par delà le bien et le Malick (…sauf qu’en fait – ô surprise – non)

J’ai aimé Malick.
Vraiment…


Il y a de cela une décennie encore, j’aimais défendre son œuvre.
J’acceptais sa rythmique aux fraises et ses voix off niaises et moralisatrices parce que derrière tout cela il y avait des compositions sublimes, des instants à fleur de peau, de vrais moments de contemplation.
Mais là, au bout du dixième film – du dixième film pratiquement IDENTIQUE à tous les autres – je n’en peux tout simplement plus.


Alors oui. C’est beau l’Autriche.
C’est beau aussi la gentille paysannerie qui court dans les hautes herbes.
Mais tout ça, je l’ai déjà vu. Trop de fois.
On l'a déjà vu dans « La ligne rouge », dans « Le nouveau monde », dans « A la merveille ». Dans TOUS ses films !


Alors oui. C’est mignon. Mais si je veux revoir un vieux Malick, je revois un vieux Malick.
Là, à réitérer sans cesse le même film, le vieux Terrence ne fait que radoter comme un papy, usant ma patience et exacerbant en conséquence toutes ses simagrées qui, moi, désormais, me sortent par les trous de nez.


J’en ai marre de ces gens qui jouent et dansent dans les hautes herbes sur fond de mélopée nostalgique.
J’en ai marre de ce culte permanent du premier chrétien, détaché des richesses et des hommes, vivant heureux dans la modestie la plus dépouillée.
J’en ai marre de ces discours à base de bien et de mal, de la vilaine folie des hommes et de ces figures de martyr.
Et surtout – SURTOUT – j’en ai marre de ce rythme qui s’étiole au fur et à mesure du temps, et tout cela pour reproduire sans cesse des images déjà vues, des instants déjà posés, des sensations déjà explorées.


Et ce qu’il y a de terrible, c’est que la toile de fond de l’Autriche au temps du nazisme ne change rien à l’affaire. Pire, elle l’aggrave presque.
Car chez Malick, la paysannerie autrichienne se réduit à un fantasme bucolique et romantique. Le paysan est naturellement bon, lucide sur le terrible « mal » (mot prononcé un nombre incalculable de fois dans ce film) qu’est le nazisme. Si bien que lorsque ce Mal se répand dans le gentil village de St. Radegund, les vieux sages sont surpris, hagards, déboussolés. S’ils n’agissent pas ce n’est pas parce qu’ils adhèrent au discours. Ça non ! Le paysan est trop bon ! Non. S’il ne réagit pas c’est uniquement parce qu’il est sonné, peut-être un peu lâche, mais certainement pas parce qu’il est réactionnaire et xénophobe. (Impossible).


Du coup, dans cette « vie cachée », St. Radegund n’est pas un village complaisant. Il est juste un village gentiment soumis. Un village qui subit. Et dans toute cette histoire, Franz Jäggerstätter n’est au fond que celui qui a osé dire ce que tout le monde pensait en fait tout pas. Il n’était pas une anomalie. Il n’était pas du tout un gars abandonné de tous et que l’Eglise a ensuite essayé de récupérer pour sauver sa face.
D’ailleurs dans ce film, Malick affiche assez pathétiquement son camp et son prisme totalement biaisé.
D’un côté Franz est totalement dépolitisé pour n’être peint que comme icône christique simplement guidée par sa foi, tandis que de l’autre, on se permet de temps en temps de faire parler les méchants nazis en allemand alors que tout le film est en anglais, histoire qu’on se rappelle bien qui sont les vrais méchants avec cette vilaine langue gutturale qu’on ne comprend pas.
Aaaah… Malick.
Tu m’en diras tant…


Vous l’aurez donc bien compris : avec cette « Une vie cachée » j’ai passé le temps où je cherchais des excuses à l’ami Malick.
Je n’en peux plus.
Je suis trop fatigué par ce cinéma qui passe son temps à poncer les mêmes choses, encore et encore, et tout cela dans une logique bigoto-contemplative qui désormais me gave au plus haut point.


Alors après – c’est toujours le même problème – si c’est votre premier Malick, que les rythmes dilués ne vous dérangent pas et que vous n’êtes pas trop sourcilleux face à de hautes doses de moraline, peut-être que ce « Une vie cachée » peut vous toucher.
J’aurais du mal à vous donner tort.
Car oui, je n’oublie pas qu’un temps, j’ai moi aussi aimé Malick.
Mais de la même manière que le temps dans les films du vieux Terrence se délite, mon amour à moi s’est aussi flétri.
Et si je reste sensible à ceux qui savent encore faire de la belle mise en scène, je ne peux que m’affliger face aux papys bigots qui radotent…

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le 15 déc. 2019

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