Grand lecteur de Lionel Duroy depuis plusieurs années (la description minutieuse des dysfonctionnements familiaux de sa jeunesse m'aidant à relativiser les miens), je savais que son premier roman "Priez pour nous" avait fait l'objet d'une adaptation au cinéma dans les années 90, sous forme de comédie grand public.
Ca sentait le malentendu à plein nez, les bouquins de Duroy n'étant pas forcément des sommets de drôlerie, au contraire - même si l'auteur sait observer ses drames personnels avec une dérision réjouissante. Du coup, j'appréhendais un peu ce que j'allais voir.
D'une certaine manière, le film s'avère assez fidèle à la réalité du livre, même si comme prévu, le réalisateur Jean-Pierre Vergne choisit de raconter cette histoire sous son angle comique, avec légèreté.
On assiste donc à la déchéance d'une famille (très) nombreuse d'aristocrates désargentés, expulsés de leur logement luxueux de Neuilly, pour atterrir dans un HLM de banlieue, suivis par leur fidèle bonne à tout faire. Cette histoire se déroule à la fin des années 50, alors que notre jeune héros est âgé d'une dizaine d'année. On imagine aisément le décalage avec les voisins, tous issus des classes laborieuses...
En omettant un instant qu'il s'agit d'une adaptation, on passe plutôt un bon moment devant cette comédie familiale : j'avais peur de trouver le temps long, ce ne fut pas le cas, car les personnages sont croqués avec empathie, et incarnés avec conviction, à l'image de Samuel Labarthe en aristo déclassé qui conserve sa dignité et son optimisme en toute circonstance. La belle allure du comédien donne au personnage de Toto une hauteur qu'il n'a pas dans le roman, sa dimension pathétique étant clairement édulcorée.
De même, si Catherine Rich signe une excellente prestation en bourgeoise guindée, obsédée par les convenances, et très vite écrasée par les évènements, son personnage reste éloigné de l'affreuse marâtre castratrice du bouquin.
Parmi les qualités du film, on relèvera la reconstitution honorable, sans grand moyens mais sans faute de goût, à l'image de la mise en scène de Jean-Pierre Vergne - auteur dix ans auparavant du "Téléphone sonne toujours deux fois", une parodie avec les futurs Inconnus, encore débutants à l'époque.
Finalement, outre la minoration très prévisible de la méchanceté du livre, le plus gros défaut du film réside dans son schéma narratif redondant, accentué par un dénouement abrupt, sans véritable conclusion. En somme, "Priez pour nous" ne raconte pas grand chose : une succession de situations très similaires (mensonge - déception - crise - nouvelle embrouille pour redémarrer), pour une histoire finalement assez vaine.
Reste qu'on aura plutôt passé un moment agréable en compagnie de cette famille nombreuse, qui pourra évoquer les Le Quesnoy de "La vie est un long fleuve tranquille".