Attention aux cylindres verts dans les cryptes des églises abandonées...
Prince des Ténèbres (Prince of Darkness) est un film d'horreur/épouvante réalisé par John Carpenter en 1987. Il met en scène Donald Pleasence, Jameson Parker et Victor Wong dans les rôles principaux. Il faut noter que Prince des Ténèbres marque le retour pour Carpenter aux films indépendants après son éviction d'Hollywood en 1986 (suite a l'échec commercial de Jack Burton dans les Griffes du Mandarin).
Un prêtre, le pére Loomis, reçoit en testament le témoignage de l'un de ses confrères récemment décédé concernant une secte religieuse tenue secrète depuis des siècles... En visitant l'église du prêtre défunt, il découvre dans la crypte un mystérieux cylindre contenant un liquide verdâtre. À la demande de Loomis, le professeur Birack et plusieurs de ses étudiants en physique quantique entreprennent d'étudier ce mystérieux cylindre. Les analyses de ces scientifiques les conduisent à penser que le liquide vert prisonnier de ce cylindre n'est autre que le fils de Satan attendant sa libération. Lorsqu'ils s'assoupissent, ils font tous le même rêve qui est en réalité un message envoyé par des scientifiques du futur les enjoignant à tout mettre en œuvre pour empêcher le Prince des ténèbres de revenir sur Terre...
Ce film est pour moi le meilleur des films d'horreur de Carpenter. J'ai été subjugué par la façon dont le cinéaste est parvenu a créer ce film avec peu (3M de dollars). Prince des Ténèbres fait donc partie de ces films d'horreur cultes qu'on aurait bien du mal a retrouver aujourd'hui dans notre cinéma de genre principalement commercial. Tout est fait pour être le plus angoissant possible et si il y a bien une chose dont on se souvient de ce film, c'est son ambiance. Pour y parvenir, Carpenter reprends la "recette" qu'il a crée dix ans auparavant pour son Halloween ; de lents mouvements de caméra, des plans en plongée/contre-plongée, une multitude de "jump squares" (des plans durant lesquels apparaissent brutalement dans le cadre un personnage, le plus souvent horrifique) et également un usage massif de musique. La musique de Prince des Ténèbres est également une des meilleurs bande-son que Carpenter ai pu faire, le mélange entre basse métalliques et chœurs atmosphériques permettent de sublimer l'image et de créer encore plus de tension. Tous ces éléments donnent au film un rythme de "montagnes russes" qui passe de scènes d'horreur (qui donnent de bonnes montées d'adrénaline, telle une descente) aux scènes plus nombreuses de suspense et de "préparation" (qui permettent de souffler mais aussi d'appréhender la suite, telle une lente montée vers la chute). De nombreux réalisateurs de films d'horreur d'aujourd'hui semblent mettre de coté tous ces éléments et plutôt miser sur les effets spéciaux les plus gores possibles, ce qui n'a plus le même effet ; l'effroi laisse place au dégoût.
Ce film ayant un budget réduit, on trouve peu d'effets spéciaux. L'effet le plus marquant du film réside en plein climax, lorsque l'élue (possédée par le cylindre) passe le bras au travers d'un miroir pour faire venir son père. Le miroir est donc une porte vers une autre dimension. Pour ce faire, Carpenter a filmé de coté un bassin d'eau rétroéclairée afin de créer cet effet de miroir liquide. Cet effet n'est pas nouveau puisqu'il a même été utilisé par Jean Cocteau dans Orphée (en 1950), ou le miroir servait également de portail vers le monde des morts.
L'ambiance du film est donc malsaine, pesante. Le spectateur ressent cela et ne peut-être que plus angoissé par le véritable siège que tiennent les sans-abris, possédés par le cylindre à l'extérieur de l'église, obligeant les scientifiques à devoir rester à l'intérieur avec l'esprit contenu dans ce cylindre, force maléfique omniprésente. Ici, Carpenter se cite lui même ; le siège rappelle Assaut (où un commissariat de police est assiégé par un gang) et le sentiment d'omniprésence du mal renvoie a The Thing (où un extraterrestre prends forme humaine pour mieux exterminer les survivants). Comme dans une majorité de ses films, Carpenter se sert de l'ambiance pour critiquer la société. En effet, avec l'apparition d'un démon au sein d'une église et d'une équipe de scientifiques incapables de comprendre cette apparition, Carpenter dénigre ici la religion et la science.
Pour conclure, on peut dire de ce film qu'il est l'un des plus réussis de Carpenter grâce à l'ambiance malsaine et claustrophobe qu'il crée, l'usage massif de musique qui glace le sang et par ses "jump squares" mémorables. Pour Jean-Pierre Putters (créateur du magazine Mad-Movies, présent lors de la séance), le plan final est l'un des plus réussis du cinéma d'horreur.
[SPOILER]
En effet, le personnage joué par Jameson Parker fait le rêve-message que tout les scientifiques ont fait lors des recherches et se rend compte que le Prince des ténèbres qui sort de l'église n'est autre que son ancienne petite amie qui s'est sacrifiée en se jetant avec l'élue dans le miroir. Il se réveille, tourne la tête et tombe nez-a-nez avec l'élue (qui a le visage putréfié). Il se réveille de nouveau, se lève et approche sa main de la surface de son miroir. Au moment ou les doigts atteignent la surface, l'image fond rapidement au noir sur une note musicale froide. Le film se termine ici, laissant le spectateur s'imaginer la suite...