Tourné dans la foulée d'Angel Terminators (ou serait-ce l'inverse ?), Princess Madam est un autre fleuron de ce genre Ô combien jouissif qu'est le Girls With Guns. Pourtant, en 1989, ce sympathique sous genre entamait déjà sa lente déchéance. Les gros budgets (She Shoots Straight, Magnificent Warriors...) étaient graduellement remplacées par des petites séries B visant l'exploitation forcenée de la courte mode des femmes à poigne et le public local se désintéressait à chaque fois un peu plus de ces héroïnes modernes. En un peu plus de 5 ans, le genre avait atteint son point de non retour et seuls quelques consternants nanars oseront retenter l'aventure du Girls With Guns à l'ancienne durant la décennie à venir.
Paradoxalement, ce fut dans l'intervalle de ces 5 années (en gros, 89 à 93), alors que l'échelle de production diminuait inexorablement, que le genre donna ses avatars les plus réussis. Grâce à une meilleure gestion des ingrédients thématiques incontournables du Girls With Guns, un large réservoir d'acteurs talentueux à disposition et des équipes techniques au top de leur forme (chorégraphes en tête), l'absence de gros budgets n'était plus un obstacle majeur à la création d'un spectacle d'action de qualité. Ainsi naîtront les petits bonheurs sur pellicules que sont Dreaming The Reality, Devil Hunters ou Angel Terminators 2. Princess Madam, bien qu'en léger cran en dessous, relève de la même catégorie des plaisirs coupables.
Pourtant, le nom de Godfrey Ho à la mise en scène pouvait légitimement inquiéter. Des rumeurs persistantes voudraient d'ailleurs que Princess Madam soit un assemblage de deux films en un, pratique courante de l'homme et de son compère Joseph Lai. Difficile d'affirmer la chose de manière définitive, la façon dont les acteurs interagissent directement entre eux (et pas grâce à des artifices de montage) tendrait à prouver le contraire mais le fait est que le récit du long métrage présente une dichotomie d'une extrême maladresse.
Commençant comme un polar d'action HK tout ce qu'il y a de plus classique (un témoin à protéger d'un parrain du crime), Princess Madam pose les bases d'un drame intéressant à travers la relation qui unit Lisa (policière modèle en charge de la garde du témoin clé) à son père adoptif (très proche de sa fille mais avec un passé trouble sur la conscience). Cette trame avait en elle-même largement de quoi nourrir l'heure et demie réglementaire. Pourtant, Ho change complètement de direction au bout de 20 minutes, en se concentrant soudainement sur une sous intrigue parallèle, sorte de Liaisons Dangereuses à la sauce Girls With Guns concernant la partenaire de Lisa. L'unité du récit en prend un coup, tout comme le développement logique des personnages. Il aurait été plus approprié d'intégrer de manière graduelle cette sous intrigue au récit principal pour faire converger l'ensemble de ces lignes narratives vers un grand climax final plein de sang et de larmes. Contraintes de productions et talent limité du réalisateur sont probablement les raisons de cette maladresse désagréable.
Cette très mauvaise gestion des différentes intrigues n'empêche cependant pas Princess Madam de faire preuve de suffisamment de qualité pour séduire l'amateur de Girls With Guns.
Car si le scénario est mal construit, les personnages bénéficient du minimum de développement nécessaire pour les rendre attachants. La relation entre Lisa et son père adoptif, cœur émotionnel du film, comporte même son lot de scènes touchantes tout comme peuvent l'être certaines réactions de Moon face à la trahison de son époux. Les quelques passages comiques ponctuels sont également les bienvenus, allégeant un peu le ton d'une œuvre au noir. Mais encore plus que le script, aux thèmes pas inintéressants mais mal construit et peu original, ce sont avant tout les acteurs qui sont à féliciter pour la présence de ces émotions bienvenues. Même dans des situations prévisibles, l'extrême implication et le professionnalisme de Sharon Yeung, Moon Lee ou Kenneth Tsang sont remarquables. C'est leur jeu sans faille qui permet à Princess Madam de bénéficier de cette petite valeur ajouté émotionnelle distinguant les séries B de qualité des autres.
Evidemment, l'action tient également une bonne place dans le charme que dégage le film. Le long métrage propose une combinaison exhaustive des différentes spécialités locales en la matière. En majorité, on retrouve un nombre conséquent d'affrontements martiaux tendances Kickboxing. Sans atteindre les sommets du genre (pas de grand chorégraphe au générique), ils sont très correctement chorégraphiés, bien mis en scènes et relativement violents. L'abnégation des différents interprètes est une nouvelle fois à saluer et ce seront, logiquement, les incontournables duels Moon/Sharon et Moon-Sharon/Michiko qui resteront le plus longtemps dans les esprits. A coté de ça, Princess Madam propose également son lot de fusillades hargneuses (mention spéciale à la toute première avec utilisations de motos en prime) ou de cascades brutales. Pas de doute, le fan d'action à la HK y trouvera son compte.
Inégal, maladroit mais hautement divertissant, Princess Madam est évidemment incontournable pour tout fan de Girls With Guns. Il prouve également à quel point le cinéma de HK devait beaucoup à ses acteurs. Car sans des femmes de la trempe de Sharon Yeung ou Moon Lee, le résultat final aurait été très loin d'être aussi agréable.