L'animation Japonaise, c'est ça aussi
Comment reconnait-on un bon Miyazaki ? Au nombre de larmes qui perlent puis viennent s'agglomérer sur la joue qui le temps d'un film regagne sa douceur et son innocence, celles de l'enfance. Sorte de barrière nostalgique que mouchoirs ou autres mains échouent à faire céder. Pour moi Princesse Mononoké c'est l'apothéose de tout. La qualité du dessin, l'histoire, les persos et bien sûr la musique. Ce n'est pas pour rien que je peux déclamer fièrement que c'est mon Miyazaki favori, bien qu'ils aient tous une place particulière dans mon cœur. Celui là va plus loin, il racle le fond du fond.
D'abord il faut le prendre comme la fin de Miyazaki, c'est sans doute comme ça qu'il a été conçu, une œuvre qui clôture non sans panache plusieurs décennies d'un travail parfois harassant, parfois fabuleux. Car si aujourd'hui tous sont au courant qu'avec Le Vent se lève il met fin à ses activités du moins en tant que réalisateur en chef. A l'époque Yoshifumi Kondō devait prendre les rênes du studio Ghibli mais décédé en 1998 il "oblige" Miyazaki à rester. A 73 ans le bonhomme a bien du mérite, et je suis certain que si la vieillesse et toutes les conneries qu'elle traine avec elle ne perturbaient pas son travail comme elles le font il continuerait sans doute, véritable bourreau du travail qu'il est. Enfin le constat est là : pour Princesse Mononoké c'est à peu près 2-3 ans de travail, 3-4 ans pour le Voyage de Chihiro etc... Il faut savoir s'arrêter au bon moment et je pense qu'il fait bien, mais ça c'est un autre débat.
Venons en au cœur de la critique : Princesse Mononoké. Là encore j'ignore par quel bout commencer tant c'est dense et c'est beau et ça explose de partout. Petite anecdote au fait, quand il été encore question de choisir son futur projet Miyazaki s'est demandé s'il devait s'atteler à Princesse Mononoké ou bien conter l'histoire d'un escargot et de son périple. Alors un gars du studio lui a conseillé Princesse Mononoké. Depuis je voue un culte païen à cet homme, dieu merci vous devinez ce que Miyazaki a choisi. En fait c'est plus lié au genre du récit, qui pour une fois est très axé action donc ça demande un bon coup de crayon pour rendre bien.
Comme je l'ai dit Princesse Mononoké se démarque des autres Miyazaki dans ce qu'il va chercher en profondeur. Presque trop pour le public qu'il cible ou en tout cas qui va être majoritaire, à savoir les enfants. Il ne faut pas oublier qu'il y a une bonne dose de violence, de haine et de sentiments ambigus à saisir si on se met dans la tête d'un gamin de 8ans. Et ça montre encore qu'un film et en l’occurrence un film d'animation est forcément reçu différemment en fonction de l'âge. Mais ce qui fait la force des Ghibli en général c'est qu'ils cherchent pas à séduire les adultes en plaçant du contenu que pour eux, ils se mettent et restent constamment au niveau d'un enfant et gardent la simplicité qui fait leur charme.
Comme dans tous ses films Miyazaki implicite un thème qui lui est cher, si dans le Château dans le ciel c'est clairement l'antimilitarisme ici on reste dans le même ordre d'idée à savoir l'écologie et puis même la tolérance pour les plus fins. Pour illustrer ces thèmes on nous balance un Japon Médiéval en pleine transformation avec une Forge symbole du fer et de l'industrie grandissante, un peu comme Tolkien et le perso de Saroumane qui veut dominer par la technologie au détriment de la nature, ici c'est pareil. Et dans les 2 cas la nature se rebelle, preuve ultime qu'elle est l'essence de la vie.
Mais là où c'est intéressant c'est que le héros, Ashitaka, maudit par un sanglier transformé en être démoniaque, va rencontrer la fameuse princesse Mononoké. Mi humaine mi louve, elle déborde de haine contre les humains. Vous pouvez souffler, il n'y a pas de propos manichéen et si Ashitaka va s'éprendre d'affection pour la princesse il va également aider la Forge. Face à un perso comme Ashitaka on reste forcément perplexe, sa malédiction joue beaucoup dans son attitude je pense, le fait qu'il soit condamné lui fait prendre du recul. Face à Mononoké qui déborde de sentiments sans qu'elle puisse tout à fait les contrôler, lui va l'apaiser. Leur relation est très forte, l'une des plus fortes qu'il m'ait été donné de voir tous formats confondus.
Voilà un film d'animation qui traite intelligemment de ce qu'il a entre les doigts, c'est à la fois très simple sans tomber dans le simpliste. Mais aussi d'une profondeur sans égal, on est absorbés dedans et qu'on le veuille ou non il nous fait ressentir, peut être de la tristesse, de la mélancolie ou de la haine. C'est à vous de voir, moi il m'a profondément marqué et jamais je n'ai été si triste, quand les dernières notes se sont égarées et que l'obscurité a rempli l'espace.
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