Avec Princesse Mononoké, le maître de l’animation Hayao Miyazaki nous emmène dans un monde à l’équilibre fragile, où les hommes et les esprits, qu’ils soient bienveillants ou démoniaques, se retrouvent dos à dos. Abordant d’une très belle façon la place de l’homme dans la nature, le film prône une vie harmonieuse, qui cesse d’être entachée par cette folle course au pouvoir et à la richesse.
Ashitaka est un jeune prince dont le bras est corrompu par un esprit démoniaque après qu’il ait tué un gigantesque sanglier possédé par ce démon. Forcé de quitter son village, Ashitaka part en quête d’un moyen de guérison. Le destin le conduit au village des forges qui, sous la direction de Dame Eboshi, exploite la forêt pour alimenter d’immenses forges afin de produire du fer. Cette production a rendu le village prospère, mais ses habitants sont en guerre contre les esprits de la forêt dont ils détruisent l’habitat. Mené par la déesse louve Moro et sa fille adoptive San, la fameuse princesse Mononoké, le combat semble perdu d’avance. Charismatique et honnête, le jeune Ashitaka va réussir à gagner la confiance de la sauvage San et de la vaillante Dame Eboshi. Malheureusement, les rouages de la guerre se sont enclenchés et personne ne pourra l’arrêter.
Le voyage d’Ashitaka fait penser à un voyage initiatique. Lorsque le chaman de son village lui demande de quitter le village, on a l’impression que commence un rite de passage à l’âge adulte pour Ashitaka. Vaincre le démon qui ronge son bras fait office de mise à l’épreuve. Alors que la question de la guerre entre les hommes sera abordée quelques années plus tard dans Le Château ambulant, Miyazaki se concentre ici sur la guerre que mène l’homme à la nature. Sauf que dans son univers, le réalisateur donne une dimension onirique à ce combat en armant la nature d’animaux titanesques, qu’ils soient loups ou sangliers, et d’esprits surpuissants.
L’aventure est un thème récurrent dans les longs métrages de Miyazaki. Celle de Princesse Mononoké est peut-être la plus aboutie, la plus complexe, car au final rien ne se révèle être tout blanc ou tout noir. Preuve en est, par exemple, avec le personnage de Dame Eboshi qui semble de prime abord être un tyran assoiffé de richesse, prêt à détruire sans scrupules la nature et à en chasser ses habitants. Mais petit à petit, le récit dévoile un personnage protecteur et profondément aimé de sa communauté composée de lépreux et d’anciennes prostitués.
Les trois ans de production de l’œuvre laisseront Miyazaki et son équipe du studio Ghibli épuisés, mais le caractère minutieux de leur travail a permis de réaliser une formidable aventure porteuse d’une morale écologique universelle et touchante. Pour la petite anecdote, lorsque que Miyazaki apprit que son chef d’œuvre, avant de sortir dans les salles américaines, allait passer entre les mains d’Harvey Weinstein, un producteur qui avait la fâcheuse réputation d’effectuer de nombreuses coupes dans les films, le réalisateur japonais lui envoya par la poste un katana accompagné du mot suivant :
No cuts.