Vingt heure cinquante. Un homme est effondré devant son ordinateur. En fond d'écran, une interview de Miyazaki et ces mots
Vous vous apercevez vite si vous regardez un bon film. Ce qui importe dans un film, c'est la trace qu'il laisse dans votre cœur. Il n'est pas important d'étudier tous les détails du film. Il vaut mieux passer votre temps à faire quelque chose de plus utile.
Jacques : Ohhh ben Barbu, mon pauvre ami, ça n'a pas l'air d'aller bien fort. Pourquoi vous vous êtes mis dans cet état déplorable? Vous qui écrivez de si... belles critiques.
Barbu : Ça va plus du tout, j'ai plus envie de voir des films ni d'écrire dessus, j'ai plus envie de me lever. J'suis limite nervous break down. Oh et puis merde, j'ai même plus envie de me raser.
Jacques : Vous n'allez pas me dire que c'est à cause de Miyazaki quand même?
Barbu : Miyazaki ? Vous pouvez pas savoir, il m'a fait perdre trois heures de ma vie et ma foi en l'humanité.
Jacques : C'est pas une raison pour plus vous raser les joues. Vous êtes malade ou quoi ? Faut arrêter!
Barbu : S'que j'arrête, c'est les critiques vieux. Ca m'fait plus marrer.
Jacques : Oh mais dites moi, vous savez que vous avez l'air pitoyable. Parce que pour arrêter votre bafouille ... ça vous embêtes si j'regarde votre truc là? Mononoké...Mononoké, connais pas. Parce que moi aussi, je peux m'vanter de mes critiques moi, ça fait un moment que j'en fais et c'est pas des critiques de pédé. Sauf que ça, je connais pas. Mononoké : inconnu au bataillon.
Barbu : Mononoké... Tu connais pas Mononoké ? C'est un film il était number one en 97.
Jacques : C'est pas une raison pour vous laissez aller et ressembler à une larve.
Barbu : Regarde mes mains, saloperie, regarde ! Me suis niquer les mains moi avec cette saloperie de critique à la con. J'avais fait une super analyse pour tout décortiquer, dire que ce film était particulier, j'ai suivi le making-of, montré que c'était pas manichéen, que la nature comme l'homme était sans pitié, que Dame Eboshi aidait les femmes et n'était pas bêtement méchante, que Ashitaka était un type qui subit son destin et qui était unique comme héros, que visuellement ça m'avait collé une claque comme jamais avec tous les effets de fumée, tous les paysages fourmillant, tous les sylvains, le Dieu-cerf dans sa forme de nuit. Que c'était un conte sauvage - avec énormément de morts violentes ce qui est inhabituel chez Miyazaki - désabusé parfois, dur, beau, comme la nature tu vois, qu'est super bien dessiné en plus parce que Miyazaki vérifie tous les cellulos et s'en redessine un truc comme 80 000. Que Miyazaki s'intéressait aux laissés pour compte, que ce soit les femmes ou les forgerons en général, laissés pour compte de l'époque de Muromashi. Que c'est plein de féminisme et de profondeur notamment parce qu'il a fait femme la chef des forges en lui donnant une vraie consistance. Que ça capte bien toute la connerie de l'homme et toute la violence de la nature sans lui attribuer des valeurs d'humain. J'avais montré que c'était un tournant dans sa carrière, que ça avait une place particulière. Je m'interrogeai sur le pourquoi du comment et il me fait tout partir en fumée, le con.
Jacques : Bon, euh moi j'y vais, merci pour le tuyau Et vous inquiétez pas, tout va s'arranger. Et comme on dit chez nous : lehaïm.
Barbu : Lehaïm !