"Porter un regard sans haine sur le monde."
Voilà ce que le film s'efforcera de faire pendant plus de deux heures. Les motivations, les ressentiments et les envies des personnages sont décrits d'une façon si proche de la réalité par un scénario sans faille, que l'on serait prêt à oublier les dieux et esprits pour finalement qualifier le film de réaliste.
Jamais la guerre n'aura été décrite de façon aussi réussie. Les stratégies, les décisions et autres actes réfléchis nous plongent dans une complexité rarement vue de façon aussi pertinente. De la guerre, Spielberg décrivait son horreur, Coppola son absurdité, mais Miyazaki, comme souvent dans ses films, prend de la hauteur. L'aviation ou autre moyen de locomotion aérien est absent ici, chose rare dans le cinéma du japonais, mais cette vision faisant de la neutralité sa priorité élève le spectateur, et permet non pas de faire comprendre la non utilité de cette lutte, mais plutôt son aspect inévitable.
Car par cette histoire vue par les yeux d'un jeune homme sans foyer, Miyazaki nous raconte l'histoire d'un conflit, mais avant tout du conflit en général. Celui qui ravage le monde depuis les temps immémoriaux, et que l'Homme n'a jamais pu éradiquer. Le conflit qui augmente sans cesse par la haine. Celle-ci étant cependant réduite à une malédiction amenant à la mort, mais avec espoir de guérison, le réalisateur la déclare surmontable dans le cas d'une communion avec la nature et son Dieu. Pour illustrer cette idée de lutte exponentielle, Hayao représente le conflit entre l'Homme et la Nature l'environnant comme originel, l'obstacle ultime à surmonter pour obtenir une paix universelle dans les cœurs des protagonistes, donc du monde.
Il n'y a a priori pas besoin de rappeler à ceux ayant vu le film les motivations de chacun. Le film fait preuve d'une clarté sur ce point qui ne laissera personne indifférent. Les humains ne peuvent vivre en harmonie avec une nature qui ne les accepte jamais totalement, mais se doivent avant tout de survivre. Voilà en quelques mots le déchirement qui traverse le film, et qui empêchera au spectateur de rallier n'importe lequel des camps. Seules les valeurs prônées par chaque espèce permet de s'identifier à l'un plutôt qu'à l'autre. L'honneur des sangliers, la défense des siens des loups, la valeur du travail des humains, ou même la protection du sacré par les orangs outans.
Il s'agit d'ailleurs là d'un des éléments qui font de Princesse Mononoké un des plus grands divertissements de l'histoire du cinéma. Là où une opposition claire permet à un film de fournir une fin flattant le spectateur par la victoire du camp vers lequel il aura été entraîné par différents procédés, Miyazaki préfère le déchirer par la fin douce amère du compromis. Pas réellement satisfaisante, elle présente l'avantage d'être d'une crédibilité complète, et de nous garder proche de sa mentalité bien après la clôture du générique, par un enseignement insidieux et terrible. Loin d'être réconfortant, Miyazaki ne nous brosse dans le sens du poil que pour nous susurrer à l'oreille la vérité du monde dans lequel on vit.
Et une fois le film terminé, de nous charger de porter un regard sans haine sur le monde à notre tour.