Quand Hugh Jackman fâché, lui toujours faire ainsi
"Prisoners" c'est un thriller balisé, archi-conventionnel, classique, plan-plan, vu et revu et rererererevu, digne du niveau d'un épisode de série-télé lambda qu'on oublierait dans la foulée de la vision, complètement anecdotique, et au propos anémique.
Dans ce film, Hugh Jackman n'est pas content, il est même très fâché. Il fronce les sourcils en permanence, et surtout il est tellement abruti qu'il rendrait presque sympathique le potentiel pédophile pervers qui rôde en liberté avec sa fille sous le bras. Un personnage monocorde, écrit et interprété sans la moindre nuance ou finesse, quand il s'énerve (il troue son slip), il casse tout ce qui est sur son passage, des ustensiles, ou même un tableau de bord de voiture.
Mais globalement tous les personnages du film sont très crispés (dont les secondaires qui dans ce film ne servent absolument à rien, notamment les nanas qui ont vraiment des rôles de merde), et sur les nerfs, tout le temps, de la même manière, on aurait envie de leur dire de péter un coup. Et c'est drôlement lourd, et ça sonne drôlement faux. Aucune variation, aucun changement de registre, aucune rupture, bref la platitude incarnée.
Le film est absolument prévisible et pas surprenant pour un sous, avec tous les clignotants du genre thriller qui s'allument :
Deux familles qui fêtent thanksgiving dans une scène de mise en place avant le drame (le kidnapping de deux petites filles) tellement inintéressante, et dont l'issue est tellement prévisible (une camionnette planque devant la baraque, les deux petites filles veulent sortir dehors parce que "nanana maman j'ai perdu mon sifflet rouge areuh areuh"), que j'en viens à déjà regarder ma montre et à attendre impatiemment que le pedobear ouvre ses portes, capture les deux casses-couilles (d'ailleurs, je tenais à le remercier pour son geste salutaire, ça nous évite de supporter en plus de ça la prestation de deux reloues sur tout le film, parce que les sifflets rouges, ça va 5 minutes), les séquestre, les découpe en rondelles, les déguste, ou les donne à manger au chien, bref que le film démarre enfin bordel.
Bon alors, les filles ont disparu, là Jackman fronce à mort les sourcils, et fulmine jusqu'à la fin de ces longues 2h30.
Ensuite on découvre Jake Gyllenhaal, c'est un flic qui a des tics, il arrête pas de cligner les yeux nerveusement, et il a été victime d'un pédophile, et ces infos n'auront aucun intérêt par la suite.. Ou alors ça permet de justifier encore mieux le titre du film, c'est un "prisoner", d'ailleurs ils le sont tous des "prisoners", prisoners dans cette bourgade grisâtre, prisoners de leurs âmes, prisoners de leur culpabilité, prisoners de leur passion, prisoners de dieu, prisoners de leur connerie;. Bref c'est sûrement très profond t'as vu.
Le film réussit l'exploit assez fascinant d'être à la fois simpliste (l'histoire est totalement anecdotique, la révélation finale est ringarde au possible), ultra explicatif (ohh il y a des dessins de labyinthe ici, et une photo de labyrinthe, il doit sûrement y avoir un lien), et confus avec des incohérences à la pelle et des fausses pistes inutiles pour complexifier inutilement une histoire sans intérêt (des serpents, les fameux labyrinthes).
Et surtout ce qui me choque le plus, c'est le côté très artificiel, très faux du film.
Un premier exemple, ce sont ces fameuses scènes de torture :
SPOIL!
SPOIL!!
Hugh jackman a la bonne idée de capturer Paul Dano (imblairable cet acteur) pour lui en foutre plein la tronche pour le faire parler, car il est persuadé qu'il est le kidnappeur.
J'ai vu qu'il y avait un débat sur la question de savoir si Villeneuve était complaisant vis-à-vis de ces scènes.
Et beaucoup tiennent que non, qu'elles seraient froides, objectives..
Mais absolument pas!
Il y a quand même une faute de goût incroyable dans le filmage de ces scènes, c'est le fameux retrait de la cagoule.
Pendant des jours, Jackman atomise la gueule de Dano (dans des scènes qui déjà me paraissent ratées quand on compare à des grands films du genre, type the chaser).
Et soudain après une légère ellipse, sans que rien ne le justifie du point de vue du récit, il y a une cagoule sur la tête de Dano, pour que l'amie de Jackman (et donc le spectateur avec) découvre horrifiée, et progressivement la nouvelle tête de Dano (en gros ils l'ont transformé en monsieur patate).
Et donc elle retire la cagoule, ce qui crée un suspense totalement fumeux justifié par rien d'autre que de l'épate sur de la torture (ils n'avaient aucune raison de lui mettre une cagoule sur la tête dans le récit, si ce n'est pour impressionner le spectateur), et cette cagoule.. Elle est hyper loooooooooooongue, du coup ça prend du temps, et ça confine au grotesque le plus total quand finalement on découvre la tronche de monsieur patate (avec en plus un petit côté elephant man).
Et là, effet logique, des gens dans la salle, dont moi le premier d'ailleurs, ont explosé de rire.
Je crois que tout est dit, c'est tellement complaisant que ça en devient ridicule, et que ce qui est sensé horrifier, traumatiser, ne devient plus que sujet à moquerie à cause de choix de mise en scène complètement absurdes et crétins.
Mais c'est pareil pour la fin. Quand vous êtes un super vilain, que vous avez une petite fille kidnappée sous la main, qu'un flic tape à votre porte, et que vous n'avez aucune idée de ce qu'il va faire ou dire, d'ailleurs ça peut très bien être une visite de courtoisie..
Et bien évidemment votre premier réflexe, est de ne pas répondre, de courir vers la fille, seringue à la main, de lui inoculer un quelconque poison, pour qu'elle meure à tout petit feu, histoire de créer un suspense totalement vaseux, où le héros qui retrouve la petite fille inanimée, va rouler à toute vitesse sur l'autoroute de nuit avec de beaux flocons de neige sur le pare-brise, pour parvenir in extremis à la sauver en la ramenant à l'hôpital.
Bref sur ce, je retourne me matter quelques vrais thriller : The Chaser, Memories of murder, Zodiac (dans un genre un peu différent), ou encore seven, où tout est mille fois mieux à tous les niveaux.