Malgré un pitch très classique, qui au premier abord pourrait vaguement nous faire penser à "Mystic River", "Prisoners" se présente pourtant comme une oeuvre maîtrisée, soignée et saisissante.
Le film nous parle du chagrin et de la colère d'un père suite à la disparition de sa fille, en parallèle avec la détermination d'un inspecteur de police qui voit cette affaire comme un nouveau défis après de nombreuses réussites. Le thème est posé, "Prisoners" va être triste, certainement palpitant et plutôt joli lorsque l'on voit les premières images. Cependant si le film jouit d'une qualité exceptionnelle en matière de mise en scène et dans le développement de son histoire, il ne peut pas prétendre à être très original dans la forme, même si les divers rebondissements sont eux assez inattendus. Le film prend le temps d'exposer la situation initiale avant de se lancer dans l'enquête qui sera composée de trois actes principaux, ce qui fait cinq avec la partie d'exposition et le final.
Denis Villeneuve est assez adroit pour traiter deux sujets, celui de l'enquête mais également le drame vécu par les deux familles des petites filles, on pensera par moment verser dans le tire-larme pour finalement se rendre compte que le film respire un naturel éblouissant, notamment en ce qui concerne les performances d'acteurs. Jake Gyllenhaal et Hugh Jackman forment un duo d'affiche improbable mais très convaincant, les deux acteurs apportant beaucoup de profondeur, de spontanéité et de justesse à leurs personnages. A la fois poignants et bouleversants ils signent ici tous les deux ce qui s'avère probablement être les interprétations les plus marquantes de leurs carrières, tant pour eux que pour le spectateur.
Maria Bello est plus effacée, tout comme Viola Davis, les deux femmes composent ici des mères de familles abattues par le chagrin, elles s'en sortent magnifiquement. Terrence Howard se révèle également très juste dans son interprétation.
Paul Dano incarne ici un jeune homme troublé, psychologiquement instable et facilement détestable, du moins pour moi, il s'en sort évidemment très bien. Denis Villeneuve semble posséder un sens de la direction d'acteur assez conséquent.
Mais bien entendu il est impossible de parler du casting et oublier de citer l'excellente Melissa Leo, cette actrice possède un panel de jeux différents incroyables, et prouve ici une nouvelle fois qu'elle est une véritable actrice caméléon. Pourtant en retrait, elle s'avère terriblement juste quand elle apparaît.
La principale qualité du film est évidemment ce casting ahurissant et surtout très bien dirigé, mais "Prisoners" va plus loin que cela, le scénario n'hésite pas à frustrer le spectateur et c'est à mon sens un point fort, car cela accentue le côté sordide de l'enquête, la rendant à la fois sombre, malsaine, mais aussi poignante. Le tout est sublimé par une mise en scène maîtrisée, accompagnée par une bande-originale de premier choix et une photographie soignée. Tout ceci nous immisce dans l'univers du film, nous faisant oublier les quelques faiblesses scénaristique le temps des 2h30.
"Prisoners" est indéniablement l'un des meilleurs films de l'année, une oeuvre passionnante, haletante et ténébreuses malgré ses maladresses. Une dizaine d'année après "Mystic River", "Prisoners" devient aujourd'hui lui aussi une petite référence du genre.