"Programmé pour tuer", ou de son vrai nom "Virtuosity", s'annonçait comme une belle petite série b bien de chez nous; un casting au top, un prétexte de scénario pompé sur celui de "Terminator", et un bon petit réalisateur de bonnes petites daubes, programmées pour être ratées, mais tout de même savoureuses. Le soucis, c'est que "Virtuosity" est véritablement mauvais.
Ce qui choque le plus rapidement, et par là même le plus violemment, c'est l'âge que le métrage a pris en pleine poire, entre deux dents. Violenté par les vingt ans qui le séparent désormais de sa sortie, "Programmé pour tuer" fait peine à voir, au point que l'on sera gêné devant des CGI à tels points dégueulasses, et une esthétique tellement douteuse que, plutôt que de rire, j'en fus terriblement embarassé.
Non parce qu'à ce niveau, c'est plus mauvais, c'est même plus du gâchis, c'est de l'attaque visuelle, du terrorisme imagé, le Daesh des séries z, en somme. Catastrophiques, les effets spéciaux entameront votre résistance, au point de ne plus pouvoir ouvrir ou fermer les yeux pendant une bonne heure; vous serez littéralement tétanisé devant tant d'agressivité, devant ces gens qui veulent, à l'évidence, la mort de votre rétine.
En soit, "Virtuosity" est donc un sacré ratage, à tel point répugnant qu'il en devient intrinsèquement unique; où avais-je déja vu tel naufrage artistique, telle insulte cinématographique? C'est une question pertinente, à laquelle j'ai forcément la réponse. C'était, en effet, devant cette ignominie de "Spawn", ignominie qui possèdait, par ailleurs, les pires CGI que j'avais pu voir de ma vie toute entière. C'est quand même pas rien, d'être parvenus à les égaler.
C'est qu'il devait sacrément en vouloir à quelqu'un pour nous pondre pareille daube, ce petit chenapan de Brett Leonard. Seulement, il y a quelque chose sur lequel je peux le défendre : le film, à défaut d'être parfait ( d'être même bon, en fait ), contient un nanardisme assumé des plus savourables.
Leonard, cet artiste, sait quelle merde il est en train de nous pondre, et dans sa clairvoyance de grand faiseur de daubes, il parvient, non sans talent, à nous faire rire, à nous émouvoir. Non, je déconne, faut pas pousser mémé dans les orties : on ne rit pas. Bien sûr qu'on rit, c'est juste que son intention n'était clairement pas de nous faire fondre en larmes, de nous émouvoir. Ce que je dis n'a aucun sens. Bref.
Là où je me dois de le défendre, donc, c'est dans son côté délire complètement assumé, dans le kiff qu'il nous transmet. Pas trop mal rythmé, avec une bande-son plutôt bien foutue, c'est qu'il parvient à nous offrir de bonnes scènes d'action, le bougre de con ! Le soucis, c'est que le film, dans sa maladresse constante et ses écards regrettables, détruit constamment ce qu'il fait de bien, au point de t'en faire viollement rager.
Nul doute que Leonard n'est pas un tâcheron à part entière; il filme pas trop mal, et parvient même à fournir une certaine atmosphère à son oeuvre. Le soucis, c'est que pour gérer ses acteurs, le mec est un véritable nullatre. D'un côté, on a un Denzel irrécupérable, qui y croit foutrement beaucoup, à ce film de merde. De l'autre, un Russell Crowe qui en a rien à carrer, et qui se fout tellement de ce qu'il fait qu'il en devient presque fascinant.
Le mec, loin d'être mauvais, est en complet cabottinage. Et le pire dans tout ça, c'est que même dans une telle bousasse, le mec a la classe; c'est qu'il doit être sacrément talentueux, le gugus. En plus, je dois l'avouer, son personnage est pas vraiment mauvais; en fait, il agit comme une parodie d'homme, comme un pantin démoniaque, genre un Joker version ridicule, si tu veux. Et puis sans déconner, le mec t'affiche un sourire tellement parfait, tellement linéaire et inhumain, qu'il en devient angoissant, à la limite du terrifiant.
C'est que je crains sacrément, moi, ce genre de méchants inhumains, et tellement caricaturaux qu'ils en deviennent effrayants. Et puis sérieux, le mec a un costard violet, et passe son temps à sourire, avec la sale gueule de psychopathe d'un Russell Crowe alors tout bébé. V'là le message. C'est une pensée purement personnelle, mais je pense sincèrement que le film aurait été largement meilleur en polar noir, en thriller nocturne ( genre "Terminator" ) : c'est que Leonard la gère vraiment bien, la nuit.
En résulte donc un véritable ovni, sorte de métrage complètement incompréhensible, et tellement what the fuck qu'il en devient complètement fascinant. Je ne m'attendais pas du tout à ça. Outre une deuxième partie largement meilleure, le film fera rire tout en mettant mal à l'aise. En soit, l'effet est très réussi. C'est mauvais, certes, mais l'on ne s'ennuie jamais, et le résultat final ne manque pas de nous faire ressentir des choses, de nous retourner complètement. Allez, il gagne un point !
http://avion.blogs.allocine.fr/2016/02/programme-pour-tuer-1996-programme-pour-deranger.html