Presque trente ans avant que le Nostromo n’atterrisse sur LV-426 et trente après la sortie d’Alien, voici donc son prequel (puisque c’est à la mode ces temps-ci) tant attendu, et soutenu par une campagne marketing gigantesque qui n’aura épargné absolument personne (jusqu’aux rats dans le métro parisien). D’entrée, on pourra pinailler dur : ça n’a évidemment pas la noirceur terrifiante ni la beauté torturée, viscérale, d’Alien. Ici, tout est plus aseptisé (à l’image de certains décors qui fleurent bon le carton-pâte), plus sage et plus conventionnel. La musique angoissante, limite expérimentale, de Jerry Goldsmith a laissé place à un score pompier envahissant, et la photographie sombre de Derek Vanlint à une lumière maussade, sans rugosité.
Chaque segment de la saga se différenciait par le style rapporté de son auteur (musclé chez Cameron, tourmenté chez Fincher, classique chez Jeunet), et à l’instar d’Hannibal prenant, superbement, le contre-pied du Silence des agneaux, il faut voir Prometheus non pas comme un décalque formaliste et scénaristique du cycle Alien, mais comme une œuvre fonctionnant à part et la genèse en devenir d’une légende cinématographique. Qu’importe : la déception, quelque soit le niveau de lecture, est au rendez-vous. On pinaillera donc, et on pinaillera surtout par rapport à un scénario fastidieux, sans génie (métaphysique de bazar), décousu et parfois incompréhensible (il faut se farcir trois tonnes de forums de discussion pour pouvoir comprendre l’ensemble des détails et des actions du film).
C’est mal ficelé, empreint de raccourcis et d’incohérences, et parfois même de clichés (les trois pilotes prêts à se sacrifier avec le sourire, la scientifique se révélant être la fille du "méchant"…). Damon Lindelof (pourtant l’un des créateurs de Lost) et John Spaihts (scénariste de The darkest hour, ceci expliquant sans doute cela) cherchent à trop dire et à trop lancer de pistes sans admettre une certaine rigueur narrative. Prometheus démarre pourtant bien, et il est assez intrigant dans son ensemble pour nous donner envie de savoir ce qui va se passer et ce qui va être (enfin) découvert. Puis ça s’enlise vite, l’ennui s’insinue, s’incruste, les personnages sont soit inconsistants (sauf celui de l’androïde, un comble…), soit ridicules (le géologue, le biologiste, Weyland…), et Scott, lui, ne parvient jamais à créer une tension et un suspens flagrants, attirants, qui nous terrasserait d’un coup.
Excepté une scène de césarienne plutôt costaude et l’impressionnant crash du vaisseau des Ingénieurs, il n’y a pas grand-chose à ravir en termes de grand frisson. Cette quête laborieuse de nos origines, croisant le mythe de Prométhée et celui d’un des monstres les plus fascinants du septième art, ne séduit jamais (ou peu), le film posant davantage de questions (inutiles) qu’il n’apporte de réponses pouvant ouvrir à de nouveaux abîmes (il faudra attendre la suite, inévitable). Il y a toujours quelque chose de terrible, de pathétique aussi, à voir une saga éminente du cinéma (Les bronzés, Star wars, Indiana Jones…) se réamorcer de façon navrante (vénale ?) et gâcher ainsi sa notoriété culte, et celle d’Alien vient à son tour de subir l’affront indiscutable de la médiocrité.