"Big things have small beginnings !"
"Prometheus" n'est pas le film que l'on attendait. Il en reste néanmoins un très bon film, utilisant l'univers de la saga "Alien" comme prétexte pour un scénario se dirigeant vers une toute autre direction et qui, malgré ses défauts, met bien en évidence les thèmes de la création et de la violence.
Cela faisait un moment que Sir Ridley Scott désirait revenir au genre de la Science-Fiction, et plus particulièrement à l'univers de son "Alien" sorti en 1979. Alors que les suites du film n'avaient fait que reprendre le concept du xénomorphe (à savoir l'Alien) et de le faire évoluer, Scott préférait, lui, se tourner vers une toute autre direction, quitte à ne pas montrer une seul fois la créature dans son film. Dans "Alien", des voyageurs de l'espace captaient un signal d'au secours venant d'une planète sombre. Une fois là-bas, Kane, l'un des membre de l'équipage, s'était fait attaquer par un parasite, connu des fans sous le nom de "Face Hugger". Après avoir quitté cette planète hostile, Kane était pris de convulsions et un Alien jaïssait de son ventre, marquant le début de l'horreur.
Ce que "Alien" et ses suites n'avait jamais expliqué, c'était la présence du squelette de cette autre créature extra-terrestre au ventre perforé sur la planète LV-426, plus connue sous le surnom de "Space Jockey" (voir photo ci-dessus), et également de tous ces oeufs d'Alien, provenant d'on-ne-sait-où! C'est ce que le grand Ridley a décidé de nous dévoiler au grand jour, afin de satisfaire les fans de la saga. "Prometheus" nous replonge ainsi sur la planète LV-426 et nous dévoile la véritable identité du Space Jockey, tout en nous révélant la véritable nature de sa présence et de l'installation des oeufs aliens sur le territoire. 33 ans après le premier "Alien", Ridley Scott se retrouve donc à nouveau avec les producteurs Walter Hill et David Giler, de même qu'avec le créateur du design de l'Alien et de son univers, H.R. Giger, pour le prequel à son film "Alien".
Cependant, même si "Prometheus" rejoint la saga des "Alien", l'univers du film de 1979 ne sert en réalité que de trempoline pour un scénario de science-fiction à l'intrigue originale. Pas une seule fois nous ne voyons d'Aliens dans le film. Cependant, nous découvrons les premières formes du xénomorphe, au début de son évolution. Le scénario de "Prometheus" s'attache à un thème totalement différent à celui d'"Alien": celui des origines de la vie. Ayant trouvé des oeuvres d'art d'anciennes civilisations contenant un même pyctograme représentant un groupe de planètes, des scientifiques en quête de vérité se lancent dans une expédition vers la planète LV-426 afin de rencontrer ce qui pourrait bien être leur créateur. Seulement, une fois sur les lieux, ils sont surpris par des événements auxquels ils ne s'attendaient pas...
"C'est l'histoire de la création, des dieux, et de l'homme qui s'est levé contre eux" raconte Ridley Scott. De toute évidence, "Prometheus" a une symbolique et un message bien particulier, qui touche à la religion, mais aussi à la science. Rien que le titre du film, qui se trouve être le nom du vaisseau spatial, veut tout dire. Dans la mythologie grecque, le Titan Prométhée était un serviteur des Dieux qui fit don du feu aux Hommes, un bénéfice qui changea l'humanité à jamais, l'élevant ainsi au rang des Dieux. En retour, Prométhée fut puni par les Dieux. Le film suit ce même principe, étant donné que les personnages, à la recherche de leurs créateurs en vue d'avoir des réponses à leurs questions, finissent par être attaqués et doivent se battre afin de sauver non seulement leur peau, mais également l'humanité toute entière, laquelle est mise en danger par leur faute.
Bien des scientifiques sont d'accord pour dire que, si nous sommes ici sur Terre aujourd'hui, cela ne s'est pas passé par hasard et il se peut-même que la vie soit d'origine extra-terrestre. Le Vatican aussi est d'accord pour dire que le développement de la vie sur Terre a eu un petit coup de pouce étranger. Le scientifique Erich Von Daniken avait même une fois exposé sa thèse comme quoi notre planète a été visitée et manipulée par des êtres venus d'ailleurs dans son roman "Chariots of the Gods?". "Prometheus" – qui, au passage, était sensé avoir "Paradis" pour titre, au départ – ne fait que traduire artistiquement ces croyances humaines qui remontent à plusieurs siècles. Plus encore qu'une simple hypothèse sur les origines de la vie, le film nous offre une vision du monde aujourd'hui, où nous, êtres humains, à force de nous développer et de créer des choses, finissons par causer notre perte (il suffit de penser à la pollution, aux guerres, au réchauffement climatique etc.), comme si nous n'étions pas permis d'être nous-mêmes des créateurs, sous peine de malédiction.
Cela dit, et pour en revenir au film en lui-même, Ridley Scott s'entête un peu trop à mettre son thème sur l'origine de l'homme en évidence. Le film – il faut le dire – n'est pas du tout ce à quoi les fans de la saga Alien, pas plus que les spectateurs en général, s'attendaient. Ridley Scott et ses scénaristes s'acharnent à faire de "Prometheus" un film grandiose. Et ils y parviennent! Cependant, cela se voit bien que "Prometheus" se veut meilleur que "Alien" et, au final, il en perd un peu en valeur. Même si le thème est bel et bien mis en évidence et qu'il convient de l'énoncer dans la présente critique, le scénario en lui-même est quelque peu paresseux. De plus, les véritables valeurs du films se trouvent ailleurs...
Ridley Scott a toujours adoré traiter le thème de la violence à l'écran, que ce soit dans des films de Science-Fiction ("Alien", "Blade Runner"), d'aventure épique dans le passé ("Gladiator", "Kingdom of Heaven", "1492: Christophe Colomb", "The Duellists"), de thriller ("Black Rain", "Lame de Fond") ou même carrément de guerre ("La Chute du Faucon Noir"). La violence est le thème de prédilection de ce réalisateur qui, depuis lors, s'y connaît parfaitement bien en la matière. "Prometheus" ne fait pas exception à ses habitudes. Il faut même dire qu'avec ce film, il va encore plus loin dans son art d'exprimer et de susciter la violence à l'écran. Scott déclarait lors d'une interview faire "le film le plus agressif qu'[il] pouvait". Et il ne disait pas faux.
La violence fait partie de la nature humaine et il est naturel qu'elle soit représentée à travers l'art sous ses différentes formes. La violence montrée par Scott, elle, n'a rien du gore injustifié, sale et parfois grotesque à la "Saw". Au contraire, c'est une violence présentée avec finesse, à travers des images méticuleusement travaillées, une agressivité subversive comme il faut, justifiée. Dans le premier "Alien", la violence s'était entre autres manifestée avec la naissance du xénomorphe qui perforait le ventre de Kane, et ce même si l'ambiance générale du film était plus tournée vers le suspense et la terreur. Ici, dans "Prometheus", le côté suspense est justement délaissé au profit de la violence, cette violence suscitée par les hommes et qui finit par se retourner contre eux. Scott parvient à faire mieux que la naissance du bébé Alien dans le film original, avec cette scène si magnifique et à la fois si repoussante et dérangeante où Elizabeth Shaw, le personnage principal incarné par Noomi Rapace, s'engage en hâte, en réflexe de survie, dans un appareil d'opération pour que celui-ci lui enlève la "chose" qui se trouve dans son ventre. La scène sonne comme une torture, une représentation cinématographique agressive parfaite pouvant symboliser des vérités de la vaie vie telles que le supplice enduré par les femmes lors de l'accouchement, par exemple. Et cette scène n'est qu'un seul exemple de la violence montrée dans "Prometheus"...
Tous ces thèmes mis en évidence avec une précision parfois de trop et ressortant d'un scénario rythmé et stylé quoique imparfait sont habillés en douceur par tous les autres éléments qui constituent un film. Même si le scénario présente des défauts, Scott n'a rien perdu de son talent en matière d'images et de choix des acteurs. Tous les décors du film, leurs aspects, leurs éclairages etc. aident énormément à construire l'ambiance nerveuse de "Prometheus". Après tout, c'est aussi grâce à la force des images que la violence se manifeste à l'écran, le tout accompagné par des musiques sombres et flippantes sans thèmes particuliers composées par un Marc Streitenfeld plus en forme que jamais. La 3D post-Avatar que le réalisateur, son directeur de la photographie Dariusz Wolski et son équipe utilisent pour la première fois n'apporte pas beaucoup au film, car la maîtrise visuelle du réalisateur est telle qu'il aurait tout aussi bien pu se passer de cette nouvelle technologie.
Finalement, le casting du film constitue à lui seul une qualité qui vaut le détour. Scott et ses scénaristes ont su bien décortiquer la personnalité de chaque personnage et les acteurs se montrent plus que convaincants à l'écran. On peut saluer entre autres les brillantes interprétations de Noomi Rapace ("Millénium"), dans son rôle très similaire à celui de Ripley dans "Alien", de Charlize Theron ou encore de Logan Marshall-Green, mais c'est avant tout à Michael Fassbender que revient la meilleure interprétation. Les robots interprétés par Ian Holm, Lance Henriksen e Winona Ryder dans la saga "Alien" n'ont qu'à bien se tenir face à celui-ci. Voilà un androïde à la personnalité fort intéressante, presque humaine, nous renvoyant à ce que nous sommes réellement, une figure qu'on n'est pas près d'oublier.
En conclusion, il est nécessaire de signaler que "Prometheus" n'est pas le film que les spectateurs s'attendaient à voir à l'écran. Mais, même s'il peut en laisser certains indifférents ou insatisfait, il n'en est pas moins un très bon film présentant malheureusement quelques défauts essentiellement sur le plan scénaristique. Pour les fans de la saga "Alien", cependant, toujours est-il qu'ils auront tout le temps de jouir pendant les dernière minutes du film juste avant les crédits de fin, en découvrant une scène marquant le lien direct entre "Prometheus" et "Alien". Et, pour ceux qui auront aimé le film pour son intrigue, l'éventualité d'une suite avec le personnage d'Elizabeth Shaw serait envisageable... Mais, après "Prometheus", aurez-vous encore envie d'en savoir plus sur vos origines?
N.B.: Etant un grand fan de Ridley Scott et de la saga "Alien", il se peut que ma critique soit trop douce. A titre d'information, quelques critiques rejettent totalement la paresse du scénario du film en prétendant qu'il s'agit là d'un film de Science-Fiction d'horreur comme beaucoup d'autres et/ou estiment que le thème de la création et son penchant religieux sont abusifs. Cependant, toujours est-il que la force des images et le jeu des acteurs restent, eux, salués par les critiques.