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L'ère #MeToo est passé par là et on ne peut pas parler de ce film sans l'évoquer. C'est impossible, car ce mouvement imprègne l'ensemble jusqu'au plus profond, jusqu'au titre même. Ce dernier est un clin d’œil rageur et ironique à l'affaire People v. Brock Turner. Ce (autocensure !) avait violé une fille bourrée lors d'une fête universitaire. Le juge (justement révoqué depuis !) avait fait preuve de beaucoup plus de pitié pour le fait que la promesse d'un avenir brillant pour le jeune accusé allait être détruite que pour le traumatisme perpétuel auquel a été condamnée la victime ; tout cela avant de prononcer un verdict d'une clémence gerbante.


On peut craindre un film simpliste, manichéen et donc stupide sur un problème très grave dans nos sociétés. Contrairement aux apparences, ce n'est pas le cas. Donc Men aren't trash? Ben si, Men are trash (je ne veux pas dire avec cette formule volontairement provocatrice que tous les hommes, sans exception, dans leur individualité, sont des violeurs potentiels, prêts à fondre sur une proie potentielle, dès qu'ils en ont l'occasion, loin de là ; je veux dire, en fait, que ceux qui commettent ce genre d'actes, dans une société façonnée en écrasante majorité par des autorités masculines, sont beaucoup trop acceptés, vus avec bienveillance ou du moins sans malveillance !).


Et là, vous vous dites, oh, encore un homme moyen qui s'autoflagelle, qui crie haut et fort que "Men are trash" pour essayer de se donner bonne conscience. Non, pas du tout, je ne m'autoflagelle pas. Ce serait prendre tous les torts du monde entier sur sa propre gueule. Par contre, je n'hésite pas à me remettre en cause, de m'interroger sur ce que je peux améliorer en moi pour essayer de devenir un être meilleur.


Si le propos du film avait été seulement "Men are trash", je l'aurais défoncé, que ce soit bien clair. Je ne supporte pas que l'on réduise les problèmes du monde à un sexe, à un groupe ethnique, à une nationalité, à une catégorie sociale. Ce serait tomber dans une binarité profondément stupide. Ce serait passer à côté de problèmes complexes en n'employant pas la bonne méthode pour les résoudre. Mais ce n'est pas le cas, car Men are trash but Women are trash too. Doucement, Jean-SJW, je m'explique.


Dans la première demi-heure, la protagoniste se fait passer pour bourrer dans les bars ou des boîtes de nuit pour essayer de prendre en flagrant délit des abuseurs "moyens". On ne voit que des hommes. C'est la toxicité masculine qui est mise en avant ici. Dans cette partie, c'est la seule méthode qu'a trouvée le personnage principal pour se venger de la société.


Mais une fois cette demi-heure passée, une fois qu'on sait pourquoi il se comporte ainsi, pourquoi il a foutu à la poubelle d'un coup un futur qui s'annonçait prestigieux, une fois qu'il va passer de la vengeance envers la société à celle ayant directement un lien avec son cas précis, on va voir que les femmes, symbolisées par deux personnages, en complices plus ou moins passives, ont leur grosse part de responsabilité dans le maintien d'une société qui non seulement banalise le viol, mais qui, en plus, fait porter tout le blâme sur la victime. Ben ouais, elle n'avait pas qu'à être bourrée. Ben ouais, elle n'avait pas qu'à s'habiller d'une manière provocante. Ben ouais ceci, ben ouais cela.


Autre chose intelligente,


le fait de ne pas nous avoir sorti le coup de l'homme gentil, qui est au-dessus de ça, avec le petit ami pédiatre et ancien camarade d'université, pour faire genre "mais non, on ne dit pas que tous les hommes sont des salauds parce qu'on a mis une figure, une seule, masculine positive" et pour ne pas assumer son propos. Cela aurait fait passer à côté du propos de fond, en disant qu'il y a juste d'un côté les très bons et d'un autre les très méchants, et, paradoxalement, cela aurait suggéré, en même temps, qu'il est une exception bien exceptionnelle dans toute une forêt de violeurs. Donc doublement dangereux. Non, c'est trop imprégné dans notre monde pour que cela puisse passer. On pense un moment que le film tombe en plein dans ce piège avec une succession de séquences dignes de la plus insipide comédie romantique. Mais non, en fait, c'est pour mieux déjouer la vigilance de l'héroïne et la nôtre et frapper encore plus fort, encore plus douloureusement.


Cela ne dit pas que TOUS les êtres sont totalement mauvais, mais c'est exposé plus subtilement, à travers une petite touche d'optimiste l'air de rien.


Il y a bien un homme au-dessus du lot (je ne mentionne pas les parents et la patronne transgenre du café parce qu'ils ne sont pas vraiment mêlés au discours de fond ; ils sont dans les à-côtés de la vie quotidienne de celle que l'on suit !), l'ancien avocat joué par Alfred Molina. Mais c'est uniquement par une fracassante prise de conscience, après avoir longuement et fortement, de par sa position, aidé par le passé à sauver des coupables de viol et ainsi à détruire encore plus des victimes. La touche d'optimisme réside dans cette prise de conscience (qui pourra être celle de la société entière, qui a déjà commencé, même si le processus sera forcément très très long et toujours avec quelques déplorables exceptions qui devront devenir de plus en plus exceptionnelles !) et aussi dans le fait que ce personnage ne passera pas à côté de la chance de rédemption que la vengeuse lui offrira posthumément sur un plateau.


Il faudrait peut-être enfin parler de la protagoniste, non ? Au début, elle n'apparaît pas du tout sympathique (en toute franchise, elle est bien la dernière à pouvoir tenir le comptoir d'un café vu comment elle parle aux clients ; dans la réalité, soit elle se ferait virer soit il n'y aurait plus un chat dans l'établissement après que celui-ci s'est tapé une note d'1,4/5 sur Google !), mais peu à peu, quand on en sait plus sur elle, sur ses motivations, on s'y attache jusqu'à une fin où on s'aperçoit qu'elle est admirablement bigger than life.


D'ailleurs, merci enfin de montrer qu'il ne suffit pas d'appuyer un oreiller sur le visage pendant quelques secondes pour tuer quelqu'un. Étouffer une personne dure une éternité et la séquence de l'assassinat le montre très bien.


Depuis Une éducation, j'avoue que je suis un fan de Carey Mulligan, donc je connaissais très bien son charisme, sa séduction et son talent. Mais là, sans que je crusse cela possible, elle a monté d'un cran dans ces domaines. Je suis encore plus admiratif qu'avant. Je le dis et le redirai avec plaisir "Carey Mulligan est une sacrée grande actrice !". Je vais même jusqu'à dire, là maintenant, qu'elle n'a jamais été aussi grandiose que dans ce rôle ; ce qui n'est pas un mince exploit.


Donc je ne peux que recommander de visionner Promising Young Woman qui est un cri de colère, mais un cri de colère très réfléchi, donc percutant, qui mérite d'être entendu et vu.

Plume231
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le 1 mars 2021

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Plume231

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