Sur une île en proie à un désastre écologique et se couvrant peu à peu de déchets, deux histoires parallèles. D'un côté, Birdboy, hanté par ses démons et traqué par la police, erre vainement entre reprise difficile et clandestine du fardeau paternel visant à ramener la vie sur l'île et consommation de drogue pour étouffer le Bruce Banner en lui. De l'autre, Dinky, jeune adolescente éprise du précédent, cherche à échapper à une famille étouffante et abrutie par un voyage loin de cette île.
Ce film d'animation espagnol superbe visuellement et à la bande originale envoûtante, plus qu'une fable écologique, est, comme son titre l'indique, le récit d'un voyage initiatique au goût amer. En effet, ce microcosme insulaire étouffant et à l'agonie est, on l'aura aisément deviné, notre propre monde dont nous faisons notre enfer. On y voit se déployer toutes les palettes de l'horreur humaine, bêtise, religion, autoritarisme, célébration de la force brute, dont le cinéma espagnol sait si bien parler pour l'avoir vécu si intensément. Le film regorge de portraits à la force symbolique captivante : le père de Birdboy, Birdman, ancien gardien de phare condamné à l'obscurité et assassiné au prétexte qu'il vendait de la drogue, alors qu'en vérité il parcourait l'île pour planter des graines ; les deux policiers, parfaite incarnation de la dualité du métier, chiens bien dressés, policier et flic, jeune homme naïf respectueux de la loi et en proie au romantisme de l'uniforme et brute immonde portant la violence et assassinant la liberté ; le jeune pêcheur rêvant de prendre le large mais cloué à la côte... Ce film a, de plus, la force d'user du fantastique pour matérialiser ce symbolisme et nous offrir quelque chose de baroque et de visuellement fascinant, sans jamais commettre la stupidité d'expliciter. On apprécie ce monde post-apocalyptique aux saveurs de Miyazaki, où les objets parlent et où, si les chiens tuent les oiseaux, c'est pour mieux nous apprendre que le monde est laid, mais qu'il ne faut pas le fuir, il faut le changer.