Après près de 3 ans de comédies romantiques (souvent très viables commercialement), la Milkyway revient au monde du polar, un univers qui a fait la réputation de la compagnie à ses débuts. Autant dire que l'épreuve du temps n'a pas altéré les capacités et PTU porte bien la marque du studio.
Le concept de départ se rapproche du Chien Enragé de Akira Kurosawa mais change vite de route selon les règles en vigueur dans les polars à la sauce To. Autrement dit : l'intrigue évolue en fonction des maladresses ou des ambitions des personnages, quand ce n'est pas tout simplement par le jeu du hasard. Un type de narration logique pour un polar d'ambiance et de personnages, les deux axes du film.
Le film se passe en un temps réduit (une nuit) et dans un cadre géographique restreint (Tsimshatsui). PTU utilise intelligemment ses éléments a son avantage pour constituer son univers : Tsimshatsui est quasi désertique, les éclairages sont blafards, on est constamment dans des petites ruelles inquiétantes... Le film évolue dans un HK cafardeux et sinistre, une vision au noir de la perle de l'Asie. To se base sur la musique (des riffs de guitare agressifs et des musiques d'ambiance en fonction des situations) et une réalisation « étirée » pour accentuer cette vision.
Ce dernier point est certainement le plus casse gueule, une partie du public risquant de frôler l'ennui à certains moments mais c'est un élément essentiel pour bien faire sentir le climat général du film. Réalisation étirée ne veut d'ailleurs pas dire absence de maîtrise, To gère bien ce qui se passe dans ses scènes et on peut passer de l'anxiété au rire et inversement en un plan. Un choix de réalisation cohérent par rapport au concept « ambiance » du film.
L'autre élément moteur du film ce sont ses personnages. L'unité de temps réduite fait que To n'a pas cherché à faire du développement de personnage classique. Pas de moment ou on voit en flashback l'enfance d'un des protagonistes ou de grande confession sur ses traumas passés, les choses sont bien plus subtiles et réalistes. Les personnalités des personnages transparaissent dans leurs actions et aucun n'est unidimensionnelle si on y prend la peine de bien regarder. De l'inspectrice du C.I.D. au premier abord incorruptible mais qui ne se révèle pas si forte que ça a l'officier Loh qui passe lui carrément par tous les états possible on a des portraits réalistes et crédibles qui nous font bien rentrer dans le film. Le casting se doit d'assurer dans de telles conditions et c'est bien le cas. Lam Suet et Simon Yam, tout particulièrement, délivrent d'excellentes prestations.
L'action est en portion congrue, une simple fusillade en fin de film tourné quasi entièrement au ralenti et avec quelques éléments parodiques. Mais PTU propose en quantité une autre forme d'action, l'action psychologique basé sur l'intimidation. Le nombre de moments ou les personnages se font face à face, se jaugent sont légions et peuvent mener à une forme de violence plus éprouvante que le simple « gunfight » (cf : La séquence dans la salle de jeux ou chez « bold head »). Une approche originale et particulièrement bien exploitée.
Le principal reproche qui semble être fait à PTU c'est un coté vide. Il est certain que le film n'a pas de grand message à délivrer, c'est une histoire simple dans la tradition des séries noires des années 50, il ne faut guère aller chercher plus loin que ça. La différence peut après venir du traitement de l'histoire, de la réalisation ou du casting selon la sensibilité de chacun mais reprocher à PTU son vide c'est reprocher la même chose à 90% des polars Milkyway. PTU est un polar d'ambiance et en parvenant à nous emmener dans son univers, nous faire croire aux personnages, il atteint parfaitement son but.