Alors là, Public Enemies est un vraie déception. On pourrait dire qu'il est correct mais comme il s'agit de Mann, j'attendais personnellement plus, même pour une œuvre mineure de sa filmographie.
Il y a quand même quelques qualités et le film se laisse globalement regarder, il ne s'agit pas d'une daube. On reconnaît certains motifs du cinéma de Mann, mais ceux-ci sont quand même bien effacés. Le héros très classe qui cherche un idéal ailleurs, idéal purement illusoire, c'est présent. La critique de la société capitaliste américaine à travers le monde du gangstérisme aussi. Le personnage de Depp lui-même a une vraie personnalité et n'est pas inintéressant à suivre, même s'il passe après De Niro dans un rôle similaire à celui de Heat. Et puis le film possède une scène d'action dans la forêt assez prenante, avec une bonne gestion de la tension comme Mann sait faire dans la plupart de ses films.
Seulement voilà, c'est à peu près tout et le film dure deux heures vingt. Et il y a de gros soucis à côté de cela. Si Depp est intéressant, le personnage du policier interprété par Christian Bale est complétement plat et vide (mais un personnage interprété par Christian Bale peut-il être autre chose que plat et vide ?). Quel est l'intérêt de reprendre le duo génial de Heat en nettement moins riche et moins bien interprété ? Suivre ces personnages pendant un film long est assez pénible tant ils manquent tous de substance, à part peut-être celui de Depp. L'alchimie entre ce dernier et Marion Cotillard n'est pas inexistante, mais on est loin des plans sublimes de Miami Vice et Blackhat qu'utilise Mann pour montrer un couple, avec une caméra vibrante, qui va capter l'émotion dans un geste ou au plus près des visages.
Et le plus gros problème selon moi, c'est que qui dit biobic dit photographie moche et grisâtre, un mystère encore irrésolu mais quasiment systématique ces dernières années. C'est sûrement là que ça fait le plus mal, qu'un cinéaste dont l'esthétique est reconnaissable entre mille fasse un film visuellement aussi impersonnel, avec des cadrages bizarres aussi, des contre-plongées omniprésentes, une caméra qui bouge un peu dans tous les sens, sauf qu'il n'y a aucune sensibilité et subtilité là-dedans cette fois, que c'est outrancier et que ça ne dit rien.
Un résultat très moyen, nous dirons qu'il s'agit d'un accident de parcours dans la filmographie brillante du plus grand metteur en scène américain actuel.