John Dillinger est un cas à part. Un anarchiste, un artisan du braquage, un roi de l'évasion, avec ses principes inaliénables. Il ne s'attaque qu'à l'argent des banques. Ce qui le rend extrêmement populaire au contraire d'un Baby Face Nelson (Stephen Graham), impulsif et violent. L'image romantique de John Dillinger, anti-héros solitaire en lutte à la fois contre les représentants de la loi et les réseaux mafieux en train de commencer à s'organiser durablement, sied parfaitement à Johnny Depp. Un acteur qui abandonne pour un temps l'excentricité de Jack Sparrow ou de Sweeney Todd. Et quel bonheur de le voir se contenter de jouer quelqu'un de rationnel, un personnage à sang froid, peu démonstratif mais humain malgré tout. Tout le magnétisme de Depp sert parfaitement le personnage de Dillinger qui fixe l'attention sur l'écran. Au détriment de son nemesis, l'agent Melvin Purvis, interprété par Christian Bale (The Dark Knight, Terminator Renaissance) à qui l'on reproche souvent de garder un visage impassible sans véritables expressions. Ici, tout ce répertoire de l'impassibilité est très bien utilisé. On a face au grand bandit, un agent déterminé à la capture de tous les suspects de sa liste. Tendu à l'extrême, il s'offre seulement un petit sourire de satisfaction sadique lors de la confrontation avec Dillinger, puisque que la scène se déroule dans une prison. Une scène que Michael Mann maitrise à merveille depuis Heat. Ce qui rend Purvis moins intéressant, ce n'est pas tellement le jeu d'acteur de Bale. C'est surtout le fait que ce n'est qu'un flic parmi tant d'autres qui finit par être éclipsé dans le cœur du spectateur par Charles Winstead (Stephen Lang) le leader des Texas Rangers tout aussi déterminé mais plus humain, moins énigmatique.
Tellement de personnages secondaires dont aimerait suivre le destin mais qui ne capteront l'image que l'espace de quelques scènes : des policiers, des bandits, des mafieux, des prostituées tous reliés au parcours de John Dillinger. Dans ce sens il est dommage que l'on ne s'intéresse en profondeur qu'à la relation entre John Dillinger et Billie Fréchette (Marion Cotillard, qui peut dire merci à l'académie des oscars). Les relations à l'intérieur du gang avec notamment Homer Van Meter (Stephen Dorff) ou Red Hamilton (Jason Clarke) passent au second plan, alors qu'on aurait aimé observer plus minutieusement la mécanique du groupe. Heureusement, les scènes avec Marion Cotillard sont superbes et celle-ci relève à merveille le défi de la femme amoureuse et tout aussi déterminée que son compagnon. Et au tournant du film, Billie Frechette se révèle comme le fil conducteur de cette histoire. Comme nous n'assistons qu'à une partie de la vie de John Dillinger, son heure de gloire, le terme tant prisé de biopic n'est pas à l'ordre du jour. Mais c'est bien la vie de Billie Fréchette à laquelle nous assistons. Entre le moment où sa véritable vie à commencer et celui où elle s'est brutalement arrêtée. Un personnage de femme forte, habituel chez Mann qui fait des films dans lesquels on est assuré de ne jamais trouver de rôle de potiche.
Sans partir dans des détails techniques alambiquées, on retiendra que le numérique rend l'image palpable. A chaque fusillade, et notamment celle de Little Bohemia, le spectateur sentira les balles au dessus de sa tête. Une impression renforcée par un cadrage épique, sur l'épaule, qui donne l'illusion de voir véritablement les années 30 et pas seulement un film en costume. La forme est élégante et sert le fond avec justesse. Et de toute façon à la sortie du film, la première idée qui vous traversera l'esprit sera d'aller faire un hold-up, parfaitement sapé, armé d'un pistolet mitrailleur et de votre plus beau sourire. C'est finalement tout ce qu'on demande à Michael Mann.