Le premier plan de Punch-Drunk Love donne immédiatement la tonalité du film : dans un immense entrepôt vide, on retrouve le personnage principal, Barry, au téléphone sur son bureau dans le coin gauche du cadre . Puis, il se lève dans l’obscurité pour aller ouvrir la porte métallique s’offrant un peu de lumière et d’oxygène dans un effet de surcadrage. Tout est déjà là : notre personnage est présenté en un plan majestueux comme un noyé, comme un enfermé, comme un déphasé. Car oui, Barry n’est pas à l’aise dans ses bottes, il est nerveux, il piétine, il est maladroit dans son contact avec autrui. Il a tout d’un être lambda, mal dans sa peau avec son costume bleu, son corps n’est pas vraiment en phase avec sa personnalité bouillonnante. Barry est un être pathétique parce qu’il est drôle et sensible, parce qu’il se sent seul et paumé et qu’il pleure pour un rien. Parce qu’il est humain en somme. L’empathie fonctionne. C’est Barry contre le reste : Barry contre ses sept sœurs (on dirait presque le titre d’un conte de fées), Barry contre les pièges de la société, Barry contre le marketing et la publicité. Comment s’en sortir ? Il faut casser des vitres, au sens propre comme au sens figuré. Et se mettre à manipuler un mystérieux petit piano aussi . La solution pour se dépatouiller de cette crise existentielle ne pourra venir que dans les palpitations d’une rencontre. Et en la personne de Lena, l’alchimie fonctionne immédiatement. La sublime musique de Jon Brion s’apaisera petit à petit, passant de bruits grinçants à la douce « Punch Drunk Melody », au passage l’un des plus beaux thèmes que j’ai pu écouter, c’est sublime. Bref, sortir de son désarroi, en finir avec les larmes qui coulent sans cesse en ayant le courage d’oser, le courage d’un voyage quitte à tout foutre en l’air, le courage d’improviser une petite danse dans le rayon du supermarché. Il est venu le temps de la rencontre de l’autre, la rencontre qui donne de l’énergie, qui transcende et révèle , et comme le dit merveilleusement Barry au personnage interprété par le grand et regretté Philip Seymour Hoffman : « J’ai un amour, un grand amour dans la vie. Ça me rend plus fort que tout ce que tu saurais imaginer ».
Punch-Drunk Love n’est pas une comédie romantique habituelle, parce qu’il s’agit d’un film de Paul Thomas Anderson et avec PTA, l’essentiel ne réside pas tant dans le scénario que dans la focalisation d’un personnage évoluant dans son environnement, de la plus grande banalité d’une scène de famille au prosaïsme d’un coup de fil érotique dans la solitude morose d’une soirée en appartement. Mais c’est justement la mise en scène de cette « banalité » qui devient grandiose et poétique et par là même fait naître des situations burlesques, des situations emplies d’énergie de vie. Punch-Drunk Love est un film qui déborde d’énergie.