Il y a des films qui méritent clairement leur désastreuse réputation. Cons, mal torchés, chiants, insultants, ou tout simplement mauvais, bien fait pour leur poire. Puis il y a les autres. Ceux qui, sans être de grandes oeuvres pour autant, ont fait le boulot, s'en sortent finalement avec les honneurs, mais pâtissent depuis leur sortie d'une distribution chaotique, de multiples recadrages ou d'un doublage tout simplement merdique. Prisonniers d'une époque ou d'un délit de sale gueule, ils attendent patiemment une réhabilitation qui ne viendra peut-être jamais pour certains d'entre eux.
Produit à la toute fin des années 80 par New World Pictures (qui n'allait pas tarder à mettre la clef sous la porte) et réalisé par le monteur Mark Goldblatt, Punisher fait donc partie de ses longs-métrages injustement taxé de nanar cosmique ou de grosse merdouille depuis plus de vingt-cinq ans. La faute à qui, à quoi ? A sa version française caricaturale ? A son absence de sortie en salles sur le territoire américain ? A une exploitation vidéo et télévisuelle lamentable ? Au Batman de Tim Burton qui allait se pavaner au box-office à la même période en s'autoproclamant première adaptation "sombre" d'un comic-book ? Peut-être un peu tout ça.
Projet casse-gueule car peu commun à une époque où les transpositions de Marvel se résument à Howard the Duck et aux séries télévisées tirées de Spider-Man et de Hulk, le premier Punisher aura donc tâté le terrain pour ses petits frères qui attendront presque dix ans pour se pointer, d'abord timidement avec Blade, puis en grandes pompes avec X-Men. Il y aura bien entendu quelques tentatives entretemps (le Captain America d'Albert Pyun et le Fantastic Four produit par Corman), mais leurs créateurs, comme les spectateurs, préfèrent certainement oublier leur existence.
Précurseur, Punisher l'est assurément, même s'il faut reconnaître que malgré sa fidélité relative au comic-book de base (manque à l'appel le célèbre logo crâneur, absence que regrette le cinéaste), le film s'apparente davantage à un bon vieux polar vénère qu'à une adaptation en bonne et due forme. Changez le titre et le nom du personnage principal, et le résultat sera le même. C'est à dire un actioner loin d'être catastrophique, bénéficiant de l'expérience accumulée de Mark Goldblatt auprès de confrères prestigieux (il a quand même bossé pour Joe Dante et James Cameron), mettant en boîte une poignée de séquences d'action sympathiques (à défaut d'être renversantes) et sacrément violentes, surtout dans la version uncut diffusée chez nous.
Bien entendu, le film n'est peut-être pas non plus un chef-d'oeuvre incompris, souffrant d'un budget bien trop modeste et d'une esthétique purement 80's qui fait bobo aux yeux aujourd'hui. Mais malgré sa tendance aux punchlines un peu faciles et le jeu limité de Dolph Lundgren, Punisher a le mérite de prendre très au sérieux son sujet, évitant ainsi l'apologie béate de la loi du talion. Très court, il va droit à l'essentiel, compensant ses défauts évidents par une belle énergie.
On pourra remercier l'éditeur The Ecstasy of Films d'avoir ressorti des limbes cette bande mal-aimée mais fun et respectueuse du matériau d'origine, en lui offrant une superbe édition DVD / Bluray techniquement impeccable (hormis les plans supprimés, d'une piètre qualité vidéo) et proposant à la fois la version américaine censurée, le montage européen uncut et une copie de travail incluant notamment un long prologue supprimé par le cinéaste pour une question de durée et de qualité discutable selon ses dires.