Bodega Bay Inn, Californie, 1939. Un homme peaufine dans la hâte une marionnette. Dans les couloirs, deux espions nazis s’approchent de sa chambre. L’homme évoque un vieux sortilège égyptien, pour prendre possession d’une poupée. Les nazis ouvrent la porte, il se suicide… Bienvenue dans les origines du Puppet Master Universe (le PMU), une déclinaison mercantile du « 'Dolls » de Stuart Gordon (1986) et du « 'Child's Play » de Tom Holland (1988). Mais, « Puppet Master » a pour lui ce petit plus : c’est l’un des premiers D-T-V de la Full Moon Pictures, société créée l’année d’avant par Charles Band.
Crédité pour l’histoire, la composition musicale et comme producteur exécutif, ce cinéaste malchanceux et producteur malheureux qu’est Charles Band, s’avère tout de même à l’origine de Re-Animator et From Beyond. Ces deux chefs-d’œuvre de Stuart Gordon demeurent d’ailleurs toujours bons à (ré) découvrir. Mais Charles Band à un petit problème, c’est que c’est un producteur à l’ancienne… pas « à l’ancienne des années ’80 », mais plus « à l’ancienne des années ’50 ». Ce qu’il veut c’est produire des films, pleins, pour ramasser des sous, pleins.
Au vu des échos, Charles Band n’apparaît pas comme le type le plus sympathique du système… cela dit, tout ça tient du ragot, et bien entendu, cela ne nous regarde pas ! Car en 1989, et c’est là l’important, Charles Band lance la saga-to-come Puppet Master, avec un film tout aussi radin que son producteur. Fortement inspirées par « 'Dolls », duquel il était lui-même producteur, les marionnettes sont ici possédées par l’âme de ceux qui invoquent le vieux sortilège… alors forcément, il y en a qui abusent. C’est le cas de Neil, un télépathe, qui contacte d’autres télépathes pour les faire venir au Bodega Bay Inn… l’endroit même où s’était suicidé l’homme du début, 50 ans plus tôt. Son nom était André Toulon… Tin Tin Tin !
Les télépathes arrivent sur le lieu et trouvent Neil mort. S’ensuit un petit jeu de massacre avec des marionnettes particulièrement vicieuses et des personnages particulièrement incapables de gérer une telle situation. Clairement emballé à la va-vite, le film devient étonnement assez intéressant à regarder par l’animation réellement réussie des marionnettes. Elles se montrent absolument convaincantes, et certaines font, il faut le dire, même un peu peur !
Pour ce qui est de l’histoire, ce n’est que du très banale et du très conventionné, avec la charte des clichés du film d’horreur respectée à la perfection. Un peu trop peut-être, car vu sa nature de D-T-V, il pouvait se permettre d’aller plus loin. Le gore est plutôt convenu, les séquences de meurtres assez fun, mais finalement rares. Et pas vraiment de Grand Finish, même si la fin inattendue s’avère agréablement surprenante.
Typique de ce style de productions, qui alimentent les piles de réserves quand il n’y a plus grand-chose à voir, « Puppet Master » remplit son rôle, en particulier par rapport à la flopée de films de genre avec ce type de budget, qui sortait alors en masse à l’époque. (Le budget est rongé ici par Charles Band, afin d’économiser quelques centimes pour se payer cette belle guirlande extérieure de lumière rouge et verte et blanche, pour Noël !).
Pour une mini-production trentenaire, elle saura encore ravir votre soif de cinéma déviant, pour vous offrir ce petit moment d’horreur à la con. Ce dernier comptabilise tout le nécessaire : une mise en scène à l’ouest, un castingue aux fraises, un scénario parti pour un trek dans le Grand Nord canadien et une ambiance qui sent bon le kitch et les bouts de ficelles. Cependant, une fois de plus, il y a du talent derrière les animations.
C’est fait maison, mais c’est crédible et le film propose quelques passages bien dégoutants, mention spéciale à la poupée qui régurgite des sangsues énormes. L’effet est dégueulasse et très long… et ils en montrent pleins… Mais, bien animé ça fonctionne et c’est le minimum de ce qui est attendu lorsqu’on lance un D-T-V titré « Puppet Master ».
Dans l’ensemble, David Schmoeller parvient à distiller une vraie ambiance de film d’horreur. Le thème principal y joue pour beaucoup, à la fois mélancolique et angoissant, il donne une identité au métrage. Il est d’ailleurs composé par Charles Band himself, sans doute sur du papier toilette usagé, parce que chez lui, on recycle tout. Il en rappelle à des thèmes efficaces qui ont marqué les grandes heures de l’horreur hollywoodienne, comme celui de « The Exorcist », « Halloween » ou même « Friday the 13th ».
Pour l’anecdote, David Schmoeller n’a plus été contacté par la suite pour prendre part à la continuité de la saga. Dans un interview en 1999, soit dix ans après, il explique qu’il n’a plus aucun contact avec Full Moon Pictures. Il expliquera même plus tard qu’il n’apparaît même pas sur les commentaires audio des DVD, car en fait Charles Band lui doit encore de l’argent. [Ça reste entre nous !]
Après, bon, oui, il y a toujours mieux à voir avant. « 'Dolls » pour ne citer que lui et « 'Child's Play », plus aboutit, plus maîtrisé, plus généreux, mais aussi plus cher. Après, c’est très bien pour les samedis soirs pluvieux, où vous avez raté un rendez-vous à cause de votre voiture en panne, et bien c’est le parfait petit film qui saura vous remonter le moral. Parce que la vie, c’est ça aussi, des petites productions de collectionneurs de dollars, qui seront toujours là, quelque part pour vous dire « tu vois, il y a pire qu’une voiture cassée ou un rendez-vous raté ».
-Stork._