La Chronique Mécanique de PUZZLE
Après "Collision", film choral sur le racisme déjà assez maladroit en manichéen, Paul Haggis s'attaque à nouveau au film choral, se concentrant cette fois sur le thème de la relation amoureuse homme-femme. Entre New York, Paris et Rome, le scénariste-réalisateur suit donc les déboires de trois couples différents en tout point au premier abord, mais tous hantés par les blessures du passé... Servi par un casting de luxe (Liam Neeson, Adrien Brody, James Franco, Mila Kunis, Maria Bello...) et malgré d'encourageantes prémices, "Puzzle" tombe vite à plat et n'est finalement qu'un prétentieux mélo plutôt pénible et propice aux déluges de ficelles scénaristiques grossières.
Désormais à Hollywood, Paul Haggis n'est plus quelqu'un que l'on traite comme "n'importe qui". Ses récents succès plaident pour lui. Inconnu total du grand public aux débuts des années 2000, le canadien, qui a longtemps officié pour la télévision - étant notamment un des co-créateurs de la série "Walker, Texas Ranger" avec l'indestructible Chuck Norris - a scénarisé le très bon "Million Dollar Baby" de la légende vivante Clint Eastwood (meilleur film aux Oscars 2005), puis a réalisé "Collision" (sacré meilleur film l'année suivante). Depuis, il a également écrit deux aventures de James Bond pour le grand écran ("Casino Royale" et "Quantum of Solace"). Pour sa quatrième incursion derrière la caméra, il revient au format qui a fait son succès dès sa première : le film à tiroirs où plusieurs individus et plein d'histoires s'entrechoquent. Si ce genre se doit de respirer la virtuosité scénaristique, force est de constater que "Puzzle" est privé de cet oxygène. Le comble pour un cinéaste davantage connu comme scénariste. Ici, ce procédé semble surtout être utilisé de façon tout à fait démonstrative et artificielle. Pourtant, au départ, l'écran de fumée fonctionne : au sein d'une narration éclatée, on voyage d'un personnage à l'autre, de Rome à Paris en passant par New York, et on est alors facilement captivés par ces incessants allers-retours, notamment grâce à un montage vif qui rythme habilement la chose. L'intrigue (ou devrais-je dire, les intrigues) baigne(nt) dans une atmosphère des plus nébuleuses qui participe grandement à l'emprise exercée sur le spectateur. Petit à petit, on découvre que ces trois couples qui n'ont, en apparence, rien en commun, sont tous hantés par une tierce personne (titre original du film d'ailleurs), et par les démons d'un passé qui continuent de les hanter. Mais plus on avance dans la construction de ce mystérieux puzzle, plus on se rend compte que les pièces s’emboîtent difficilement.
Si il fait état d'une certaine maîtrise, Haggis se la joue bien trop complexe alors qu'il n'en a absolument pas les moyens. A trop vouloir embobiner le spectateur dans un étrange qui ne marche pas du tout, il se perd complètement en psychologies chaotiques comme il s'égare en fausses pistes bancales jusqu'à un final guignolesque et incompréhensible où se mêle réalité et imaginaire sans que l'on ne comprenne trop pourquoi ni où cela été censé nous mener. Il abuse de ressorts éculés (cf. La bande-son assourdissante où le piano et les violons s'en donnent à coeur-joie) et ce n'est pas sa direction d'acteurs qui sauvera l'ensemble de la noyade. Une seule directive semble avoir été donnée à ce casting de noms rutilants : en faire des tonnes, à l'image même du film. L'exemple le plus frappant ? J'aurais pu citer l'outrancière Olivia Wilde, voire une Mila Kunis à côté de ses pompes, mais je m'attarderais davantage sur Liam Neeson. Autrefois bon acteur choisissant plutôt bien ses apparitions ("Mission", "Michael Collins", "Gangs of New York"), on contaste que, depuis "Taken" notamment, ça l'emmerde manifestement de jouer dans de bons films. "Puzzle" est une nouvelle pièce à ajouter à cela...
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