Qiu Jin, la guerrière (2011) - 竞雄女侠秋瑾 / 117 min
Réalisateur : Herman Yau - 邱礼涛
Actrices principales : Yi Huang - 黄奕 ; Yu-Hang To - 杜宇航 ; Anthony Wong - 黃秋生.
Mots-clefs : Chine ; Wu Xia Pian ; Historique ; Féminisme.


Le pitch :
Née dans une famille d’érudits, Qiu Jin est une fille déterminée qui, dès son jeune âge, montre son fort caractère. Douée en équitation, au tir à l’arc et à la poésie, elle aime la rivalité. Ayant été témoin de la souffrance des Chinois dans la capitale, la haine de Qiu Jin à l’égard du gouvernement Qing s’amplifie. Sa détermination à renverser le pouvoir et sauver la nation est de plus en plus grande. Pour cela, elle se joint à un parti révolutionnaire secret. Ils ont l’intention d’assassiner le gouverneur de Qing. Mais les choses vont être toutes autres…


Premières impressions :
Il y a quelques semaines, tandis que je flânais chez mon plus ancien dealer de produits culturels de seconde main, je tombais sur un film parfaitement inconnu fleurant bon le film bien moisi d’arts-martiaux. Sur la jaquette, une jeune femme chinoise tenait un sabre ensanglanté alors que moult explosions miroitaient autour d’elle, « Qiu Jin, la guerrière ». Ah la vache ! Rien qu’à l’image j’entendais déjà résonner le thème de Xena, et pour un euro seulement ! L’achat compulsif entendait bien s’additionner à une succulente soirée pizza-détente qui se concrétisa ce soir même mais se transforma bien vite en soirée étude du féminisme, parce que oui ! « Qiu Jin, la guerrière » est à la fois un Wu Xia Pian, un film de sabre, mais aussi le biopic d’une des féministes chinoises les plus badasses du 20ème siècle.


Qiu Jin naît en 1875 à Xiamen dans le Fujian (face à Taiwan pour ceux qui ont séché les cours de géographie), puis grandit dans les environs de Hangzhou (à cent bornes au sud de Shanghai pour les mêmes) suivant les affectations de son père. Recevant une éducation classique biberonnée aux biographies héroïques, la jeune fille montre rapidement un esprit indépendant, apprends les arts martiaux et développe des qualités de poétesse dont les œuvres s’élèvent contre le bandage des pieds des petites filles et autres traditions séculaires sympathiques. Subissant un mariage arrangé à 21 ans comme il était de coutume (ce qui existe hélas encore de nos jours), la jeune femme fait scandale en s’habillant en homme et en portant le sabre, artifice de ses héros d’enfance avec lequel elle se fera prendre en photographie. A vingt-neuf ans, elle quitte sa famille et part étudier au Japon, convaincue que seule l’érudition pourra l’aider à changer les choses. Là, elle intégrera un groupe d’intellectuels révolutionnaires et féministes chinois et reviendra deux ans plus tard en Chine pour y organiser un coup d’état contre la couronne Qing. La révolutionnaire rentrera immédiatement dans la légende et des pièces de théâtre, des séries et des films seront consacrés dès 1936 à celle que l’on surnomme « la Jeanne d’Arc » de Chine et dont le nom reste écrit dans les livres d’histoire des écoliers de l’empire du milieu.


Malheureusement, « Qiu Jin, la guerrière » n’est franchement pas à la hauteur du personnage historique dont il fait la gloire tant le film est poussif. Réalisé par le tâcheron hongkongais Herman Yau (Ip-man le combat final ; The Untold Story) qui a dirigé en trente ans par moins de soixante films, « Qiu Jin » n’arrive jamais à trouver son rythme, oscillant entre le trop rapide et le trop lent, entre le surplus d’informations historiques et le manque de contexte, et surtout, surtout, démontrant une incapacité à intégrer les scènes d’actions à l’histoire. En fait, j’ai eu l’impression qu’Herman Yau avait une sorte d’obligation de caler des scènes de tatane toutes les quinze minutes comme un réalisateur de pinku se doit de dévoiler régulièrement du téton à l’écran. J’entends bien qu’il y ait une logique à faire un Wu Xia Pian à propos d’une telle héroïne, mais était-il utile de nous montrer les réflexes de Jedi de la demoiselle toutes les trois scènes ?! Le réalisateur n’a pas su choisir entre un pur film d’action et un biopic fidèle et poignant et résultat des courses le grandiloquent du film d’action à la hongkongaise empêche purement et simplement à l’émotion de se mettre en place.


D’un point de vue technique, c’est là aussi le grand écart. Les scènes sont tantôts sublimes, (surtout les scènes de combat d’ailleurs), tantôt ressemblent aux sitcoms romantiques qui squattent les plages de diffusion sur CGTN. C’est dommage parce que quand le film se prend au sérieux, il le fait plutôt bien, mais on retrouve trop souvent l’aspect de série B commerciale, ce que j’appelle les plans à la « Julie Lescaut » qui sonnent petit écran. En parlant de sonner, la musique est une catastrophe composée par le cousin maléfique de Jean Michel Bruitage… Je n’ai pas réussi à savoir si la musique était complètement foireuse à cause du pressage du DVD français ou s’il s’agissait d’un défaut d’origine, mais la bande son a l’air d’avoir été composée sur le synthé playskool du neveu du réal.


Pour conclure, "Qiu Jin" est un film qui m’a vraiment frustré parce que tout était présent pour faire un film génial. Le sujet est bon, le personnage principal est extraordinaire, l’époque est pleine de rebondissement entre colonisation, guerre et révolution, les acteurs sont plutôt corrects mais le traitement est complètement raté et transforme une grande fresque en mauvais film ennuyeux. Néanmoins les œuvres se concentrant sur les figures féministes en Asie sont tellement rare que je ne peux que recommander le film, ne serait-ce que pour sa fiabilité historique et pour la force du personnage qu’il m’a permis découvrir. Au final, si je n’ai dépensé qu’un euro pour le film, je vais certainement multiplié la somme par trente pour m’offrir une biographie en bonne et due forme de la demoiselle ainsi qu’un recueil de poème. Qui a dit que les mauvais films ne pouvaient pas donner envie de s’instruire ? Pour information, sachez que la vie de Qiu Jin a été l’inspiration d’au moins quatre autres films en 1953, 1981, 1984 et 1995 mais que seul le film de 2011 semble exister en DVD en France. D’ailleurs si vous avez accès à ces films, je suis preneur ! Par ailleurs, je vais laisser en commentaire tout un tas de liens permettront aux curieux d’en savoir plus sur la demoiselle.

GwenaelGermain
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le 15 déc. 2018

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