Cet énorme succès public est aussi impressionnant que problématique, car si cette comédie n'est pas fondamentalement antipathique (sur sa forme tout du moins), elle est très gênante sur le fond. Une phrase sur deux est une vanne raciste, et c'est d'ailleurs la morale du film : tout le monde est un peu raciste, c'est normal et pas bien grave - et un Arabe, un Juif et un Chinois, même parvenus à un rang social élevé - ils sont respectivement avocat, entrepreneur et banquier - conserveront toujours des a priori bien rances sur l'autre leur permettant d'avoir à tout moment à portée de main un petit surnom ou une pique à balancer, sur lui qui ne mange pas de porc, lui qui est obsédé par le fric ou lui encore qui aurait une petite bite.
Autour de moi, les spectateurs hurlaient de rire à chaque vanne raciste (autant dire qu'ils ont beaucoup ri), accentuant progressivement ma gêne face à cette ambiance de connivence dans la médiocrité et la bêtise ordinaires. Plus les vannes bien grasses tombaient, plus elles déclenchaient l'hilarité, plus j'étais mal à l'aise.
Le moment culminant de mon malaise fut lorsque les trois filles de cette famille de petits bourgeois de province s'allient pour saper le mariage de leur quatrième sœur, arguant avec la meilleure foi du monde qu'elles ont déjà fait rentrer un Arabe, un Juif et un Chinois dans la famille et que l'arrivée d'un Noir est la goutte d'eau qui ferait légitimement déborder le vase pour leurs parents. Car même le racisme ordinaire a ses limites semble-t-il...