À revoir dans 10 ans
On poursuit le rattrapage Almodovar avec ce film, bien ancien. Beaucoup de sujets y sont abordés, comme souvent chez Almodovar, les personnages sont attachants mais pas touchants, on passe de la...
Par
le 28 mars 2024
1 j'aime
Le temps passe, les scènes se succèdent, et tu reprends conscience, en train de te demander ce que t'as fait pour mériter ça. Dans le quatrième film du réalisateur espagnol, on assiste à l'une des meilleures synthèses de l'exubérance espagnole, mi-Movida, mi-Almodóvar (mais n'est-ce pas la même chose ?), foisonnante, émouvante, cohérente.
Choral, le film met en scène une sacrée famille : la grand-mère qui invoque tous les saints, s'occupe des enfants, leur apprend que Balzac est romantique et Goethe réaliste et adopte un lézard qui les a suivi au parc ; la mère fait des ménages, baise un coup dans la douche du dojo avant de s'entraîner un peu au bâton pour mieux tuer son mari avec l'os à jambon en temps voulu ; le mari, chauffeur de taxi, raconte au calme qu'il a écrit des lettres à Hitler en reproduisant l'écriture d'une amie, notable allemande ; et les enfants... bah se droguent, mais ça c'est quand ils ne se font pas "adopter" par le dentiste. Dentiste qui décroche d'ailleurs la palme de la meilleure scène, avec ces grimaces surréalistes, qui donnent envie de rire mais qui laissent soupçonner un dérangement sexuel, qui s'avèrera véridique.
Et c'est cette fine ligne qui donne toute la force à l'univers almodovarien : tu rigoles, tu te laisses embarquer, et au milieu du lac, tu regardes autour et tu te rends bien compte que ce qui fait rire par le décalage et l'exubérance, c'est bel et bien glauque ; t'avais raison de t'inquiéter pour le gosse assis sur la chaise médicale, t'avais raison de craindre le pire pour cette famille vraiment pas ordinaire.
Il est très souvent réducteur de penser que les réalisateurs à la patte reconnaissable font encore et toujours le même film (Xavier Dolan, Woody Allen, Pedro Almodóvar, Wong Kar-Wai). La preuve en est ici cette fin amère, magnifique, qui démarre avec ce plan-séquence collé au visage de la mère qui à la base ne cherche qu'à joindre les deux bouts, à payer la dernière facture et les courses et la télévision, qui rentre désormais seule, coupable du meurtre de son mari, le reste de la famille s'en allant au village. Elle rentre, et c'est pas possible comment cet appartement n'est plus le même, il est triste sans la folie ordinaire qu'on a suivi avec délice pendant tout le film. Elle regarde par dessus le balcon, et l'urbanisme qui se donne à voir (des blocs de quartier) ne laisse la place pour aucun rêve. Une dernière note d'espoir viendra apaiser son âme, peut-être la décharger physiquement de toutes ces contraintes, que lui imposait majoritairement son mari.
L'air de rien, ce film banal en apparance s'avère être putain de révolutionnaire, explosif, fou. C'était ça l'horizon auquel s'accrochait l'Espagne des années 1980, faisant très vite le deuil de Franco : gloire aux femmes, gloire au sexe. L'air de rien, comme si c'était déjà normal.
Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Ma grotte secrète sacrée, 2022 : du cinéma avant qu'il ne soit trop tard et TOP 100 DES 2000 FILMS VUS
Créée
le 20 août 2022
Critique lue 172 fois
1 j'aime
D'autres avis sur Qu'est-ce que j'ai fait pour mériter ça ?
On poursuit le rattrapage Almodovar avec ce film, bien ancien. Beaucoup de sujets y sont abordés, comme souvent chez Almodovar, les personnages sont attachants mais pas touchants, on passe de la...
Par
le 28 mars 2024
1 j'aime
Gloria n’a pas la meilleure des vies. Son mari, ses enfants, sa belle-mère et ses voisins ne la respectent pas vraiment. En plus, elle doit travailler, faire les tâches ménagères de l’appartement et...
le 5 juin 2023
1 j'aime
Le temps passe, les scènes se succèdent, et tu reprends conscience, en train de te demander ce que t'as fait pour mériter ça. Dans le quatrième film du réalisateur espagnol, on assiste à l'une des...
Par
le 20 août 2022
1 j'aime
Du même critique
Mais quelle angoisse ces films contemporains qui croient "brosser le portrait d'une jeunesse en proie aux doutes". En fait, j'avais déjà imaginé tout l'article qu'un stagiaire aurait pu pondre à...
Par
le 15 oct. 2021
35 j'aime
33
Et bien voilà, c'est pas si compliqué de montrer pourquoi Euphoria explose toute tentative de concurrence sur le domaine "jeune adolescent de 15-20 ans". Tout simplement, cette série est capable de...
Par
le 8 déc. 2020
34 j'aime
2
C’est l’histoire d’une reproduction ; boy meets girl, John meets May… peu importe au final, il s’agit simplement de l’histoire universelle que l’on se murmure et raconte depuis Ève et Adam jusqu’à...
Par
le 17 juin 2023
23 j'aime
1