Quadrophenia par TituszwPolsce
Quelle claque ! Il n'y a aucun besoin d'avoir écouté l'album éponyme des Who dont s'inspire la trame de ce film (qui va, je le pense, beaucoup plus loin) pour en apprécier toute la saveur et la puissance. "Quadrophenia", puisqu'il faut le présenter, est un conte urbain, narrant l'histoire d'un jeune mod, qui parle de révolution sans même savoir de quoi il retourne, s'oppose dans le plus bête des conflits à des groupes de rockeurs (habillés de vestes de cuir et chevauchant de puissantes cylindrées), et qui peu à peu se rend compte que son monde de rêves juvéniles s'écroule pour laisser place à la réalité assassine. « Quadrophenia », c'est le mal-être de l'adolescence. C'est l'histoire d'un monde qui bascule, avec d'un côté la césure nette et définitive qui se forme avec l'univers parental, et de l'autre, celui de la découverte de l'amour, de l'esprit de liberté et de l'impunité, le tout étant vu avec beaucoup d'empathie pour cette jeunesse qui se laisse aller toujours plus loin vers la dissipation et l'instabilité. Chacun a besoin de ses idoles, de ses références, qui, évidemment, sont idéalisées, alors que la vérité qui gît derrière est forcément bien moins belle. Chacun a besoin de se sentir vivant, de ressentir les émotions les plus fortes et de profiter au mieux de l'instant présent, la rechûte dusse-t-elle être aussi âpre que la mort. Chacun cherche à exprimer que ce monde vieillissant doit changer, quel qu'en soit le prix. Chacun veut sa part du gâteau. En se plaçant dans le contexte mod (quelque peu fantasmé, forcément) du milieu des années 60, "Quadrophenia" parvient à exprimer tout ces sentiments de révolte et de refoulement mêlés avec une justesse miraculeuse. C'est une profusion de scènes plus puissantes et véritables les unes que les autres (la séquence où les trois héros se font rouler en se faisant refiler de la fausse dope crève les yeux), de personnages réels et attachants (les parents sont extrêmement bien vus), de situations crédibles et cohérentes... En plus, je me sens très proche de ce mouvement mod, un peu lunaire et rêveur, bien qu'en pleine rébellion contre un système dont les failles deviennent de plus en plus apparentes. Je me suis donc vraiment senti impliqué dans cette histoire, et presque relié à ce héros, marginal déçu, campé par un incroyable Phil Daniels (il faut voir sa tête lors des vingt dernières minutes), qui réussit à faire ressentir toute la rage et le désarroi d'une génération perdue, entre deux feux, et qui donne à ce film tout son caractère poignant et saisissant. La musique est judicieusement choisie et ne semble jamais être là pour combler, la mise en scène, très directe, agit comme un direct dans la mâchoire, et Brighton est génialement filmée... S'il n'y avait pas cette surabondance de musique à la fin du film (le moyen Love, Reign O'er Me tournant en boucle de manière un peu pompeuse), ça aurait pu être un immense chef-d'œuvre. Gloire aux mods, et vive "Quadrophenia".