Allez, hop ! Takatakatak !
Bondidiou qu'est ce qu'il fait du bien ce film ! Tavernier se réveille après deux films que personnellement je trouvais mous et ennuyeux. Ici, point de répit, presque deux heures de dialogues acerbes, de montage ultra dynamique, de rebondissements, de piques, de bruits, de portes qui claquent.
La bande annonce est une catastrophe, laissant envisager le pire téléfilm vieillot et pas drôle avec casting mou et has been. Ne vous y fiez pas, ce film est d'une jeunesse pétillante, il déborde d'énergie et c'en est étourdissant, vertigineux. Bien sûr au début on a peur d'une esthétique (faussement) télévisuelle, et de quelques dialogues qui sonnent faux (la partie "couple"). On a peur de L'Hermitte, clairement choisi pour son physique. Mais pris dans l'énergie du film et de son personnage, il devient la bonne idée du film.
Non, pas de "réflexion" politique, pas de temps pour cela et de toute façon c’est trop casse gueule. Juste une reconstitution l'air de rien très minutieuse d'une atmosphère de travail, d'un univers époustouflant et montré avec une crédibilité rare malgré l'humour évident du film. Tout va à deux cents à l'heure, on est noyé de dialogues absolument épatants où les piques fusent, les décors sont plus vrais que nature et sidérants vis-à-vis des partis pris du film : ministère labyrinthique, bureaux sous les combles, tournage international.
La mise en scène s'autorise tous les effets même les plus éculés, et ça marche ! Zooms, split screen, temporisation avec une chanson de Balavoine, et une séquence ahurissante sur Tintin où montage et son s'emballent de concert. Une vraie adaptation de BD inventive et profondément jubilatoire.
Comédiens tous au diapason, Personnaz très convaincant et très beau (il était magnifique dans la Princesse de Montpensier et bien terne depuis), L'Hermitte juste et drôle et surtout, surtout, Niels Arestrup, absolument majestueux dans un rôle à contre-temps du rythme ambiant du film. Tout est question d'enchaînements, de mécanique, et le film rend cette dimension temporelle réellement palpable.
En plus, on en apprend sur les "astuces" du gouvernement : petites manipulations à l'assemblée, secrets de l'agenda, rouages hiérarchiques et administratifs. Le film est absolument hilarant et jamais méprisant. Le français n'avait pas été manié avec autant de voltige verbale depuis bien longtemps, et cette comédie a une vraie ambition intellectuelle qui fait plaisir avoir (ça m'a donné envie de lire Héraclite, ce n'est pas peu dire). Et puis le portrait en creux de la France de Chirac et de Villepin quand il était à Orsay, avec la guerre en Irak et le conflit Ivoirien fonctionne parfaitement, avec toutes les allusions qui font mouche, le vrai discours (magnifique) à la fin. Bref, il nous rappelle que le deuxième mandat de Chirac, malgré tous les défauts du bonhomme, avait quand même plus de gueule que tout ce qu'on a eu depuis, et que Villepin était alors le futur meilleur premier ministre depuis des décennies.
Ajoutez à ce torrent ininterrompu de réussites et de plaisirs pour le spectateur l'amour cinéphilique de Tavernier, au détour d'une déclaration d'amour à Meryl Streep, et vous obtiendrez la meilleure bonne surprise de cet automne.
J'y allais à reculons, j'en suis sorti en ébullition intellectuelle. J'adore. Vraiment le genre de films que j'ai envie de voir et revoir pour en connaître par cœur les dialogues.