Voilà un excellent film de Bertrand Tavernier, tout en finesse et au second degré. Thierry Lhermitte trouve là peut-être son meilleur rôle à l’écran en incarnant ce ministre des Affaires étrangères incroyable qui débite des fragments d’Héraclite à longueur de journée tout en faisant refaire interminablement ses discours par son jeune attaché (Raphaël Personnaz plein d’énergie) pendant que son chef de cabinet (Niels Arestrup fascinant) résout les problèmes au long de nuits sans sommeil. Tavernier est un maître dans l’art de la caméra, encore plus dans celui de la direction d’acteurs et il ne faillit pas – une fois de plus – dans cette double tâche. Son film est une sorte de sarabande endiablée où tout ce petit monde s’agite, on dirait vainement, pour essayer de remettre un peu d’ordre à ce grand monde qui n’en a plus beaucoup. Et puis soudain, peu avant la fin, la magie du verbe va opérer et le discours de fin sera accueilli comme il le mérite… C’est sans doute en cela que réside le sujet du film : démontrer que le langage crée l’homme et non l’inverse. À force de manier Héraclite, à force de refaire inlassablement le même discours, il en devient un autre justement, imperceptiblement le mouvement se fait vers quelque chose qui ressemble à une pensée en voie d’élaboration et qui pourra être transmise aux autres… Quelle leçon sous des apparences frivoles !