Alors qu’il devait réaliser Quo Vadis avec Gregory Peck, John Huston se voit rediriger vers un autre projet, l’adaptation du roman de William Burnett The Asphalt Jungle, suite à une maladie qui toucha l'acteur.


Avec Quand La Ville Dort on navigue en plein film noir et c’est un régal, l’atmosphère mêle vapeurs d’alcool, imperméable, cigarettes, chapeau en feutre, braquage ou encore personnages aux destins tragiques et à la psychologie sombre, et Huston rend tout cela passionnant. Il met en scène avec brio cette intrigante galerie de personnages où l’on trouve des accros aux jeux endetté, avocats véreux, magouilleurs ou encore ex-prisonniers.


Il approfondie leurs psychologies, les rends humains dans un monde corrompus où il n’y a pas vraiment de bien et de mal et, à l’image du déroulement du film, ils sont très bien écrits, toujours un minimum complexe et jamais manichéen. Ce serait d’ailleurs une erreur de penser que tout le film tourne autour du braquage, là où il se montre d'ailleurs novateur, ce n’est pas le cas et c’est tant mieux tant le futur metteur en scène des Gens de Dublin nous passionne pour les personnages et leurs profondeurs.


Huston trouve toujours le ton juste et, si c’est parfois complexe, ce n’est jamais compliqué ou lourd. Il instaure un climat sombre et angoissant de plus en plus fort, tout en maintenant le suspense et une tension de plus en plus présente. Sa réalisation est remarquable, il maîtrise sa caméra, toujours fluide, avec brio et en usant de plusieurs gros plan sur les visages des personnages, captant à merveille leurs sentiments, souvent le désespoir et la peur et il sublime cette ville plongée dans l’obscurité et la froideur de la nuit.


Certaines séquences sont novatrices et surtout brillantes, à l’image du casse, dont on sent que Melville a regardé ce film plusieurs fois avant de faire Le Cercle Rouge, minutieux, sans dialogue et superbement réalisé, mais aussi des scènes plus simples et humaines ou encore le remarquable final. Les interprétations sont impeccables et notamment un excellent Sterling Hayden qui rentre à merveille dans son rôle, donne une humanité à son personnage et le rend touchant tandis que Louis Calhern, Jean Hagen, Sam Jaffe ou encore la jeune Marilyn Monroe lui rendent merveilleusement la réplique.


Dix années après Le Faucon Maltais, John Huston propose à nouveau une perle du film noir, intelligent, sombre, passionnant et humain où l'on ressent toute la froideur de la nuit et l’ambiguïté des âmes décrites (et merci à SanFelice pour l'envie et la plongée dans le cinéma d'Huston).

Docteur_Jivago
9
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Plongée dans les polars américains, Répertoire : Mes réalisateurs, Les meilleurs films de John Huston et Les meilleurs films des années 1950

Créée

le 2 juin 2014

Critique lue 1.4K fois

40 j'aime

7 commentaires

Docteur_Jivago

Écrit par

Critique lue 1.4K fois

40
7

D'autres avis sur Quand la ville dort

Quand la ville dort
DjeeVanCleef
10

Et les vies dansent

Dans la pure tradition du Film Noir, John Huston façonne The Asphalt Jungle par touches, en prenant garde de n’oublier jamais l’ombre où naissent et grossissent les peurs. Bien aidé, il est vrai, par...

le 1 janv. 2018

40 j'aime

7

Quand la ville dort
Sergent_Pepper
8

Black to the future

Le film noir est pourtant rodé depuis une bonne décennie lorsque sort le film de John Huston, qui a contribué à sa naissance avec son premier coup de maître, Le Faucon Maltais. Le revoir revenir au...

le 9 nov. 2018

37 j'aime

Quand la ville dort
SanFelice
10

We all work for our vice

Généralement, c'est au cinéaste John Huston que l'on attribue tout ou partie de la paternité du film noir, d'abord comme scénariste (pour La Grande Evasion, High Sierra en VO, de Raoul Walsh) puis...

le 16 mars 2019

33 j'aime

14

Du même critique

Gone Girl
Docteur_Jivago
8

American Beauty

D'apparence parfaite, le couple Amy et Nick s'apprête à fêter leurs cinq ans de mariage lorsque Amy disparaît brutalement et mystérieusement et si l'enquête semble accuser Nick, il va tout faire pour...

le 10 oct. 2014

172 j'aime

35

2001 : L'Odyssée de l'espace
Docteur_Jivago
5

Il était une fois l’espace

Tout juste auréolé du succès de Docteur Folamour, Stanley Kubrick se lance dans un projet de science-fiction assez démesuré et très ambitieux, où il fait appel à Arthur C. Clarke qui a écrit la...

le 25 oct. 2014

166 j'aime

49

American Sniper
Docteur_Jivago
8

La mort dans la peau

En mettant en scène la vie de Chris The Legend Kyle, héros en son pays, Clint Eastwood surprend et dresse, par le prisme de celui-ci, le portrait d'un pays entaché par une Guerre...

le 19 févr. 2015

152 j'aime

34