Melville et le mélodrame.
Troisième film de Jean-Pierre Melville, "Quand tu liras cette lettre" est extrêmement méconnu ; c'est un mélodrame avec un triangle amoureux, ce qui parait assez bizarre quand on connait la filmographie du réalisateur du "Samouraï".
Dans son livre d'entretiens avec Rui Nogeira, Melville parlait de ce film comme d'une œuvre de commande, alimentaire, et reconnaissait très bien qu'il aurait pu être réalisé par n'importe quel autre réalisateur, ce qui signifie sans doute une réalisation peu impliquée de sa part, ce qui est en partie vrai.
Comme je le disais, c'est un mélodrame, mais avec quelques transgressions que la censure de l'époque n'a pas frappée comme la présence d'un viol (il est suggéré, mais il suffit d'un plan d'un lit défait et d'une fille au regard hagard pour s'en convaincre), ou une étreinte forcée (bien qu'il soit "camouflé" parce que l'homme veut éteindre un feu qui s'est propage sur la robe de la sœur de sa fiancée).
Juliette Gréco, toute de noir vêtue, joue ici le rôle d'une femme (Thérèse) ayant renoncé au voile pour veiller sur sa sœur. Elle y est très bien, car elle fait très bien ressentir le côté supérieur qu'elle dégage, avec un visage le plus souvent renfermé, dur. Elle est opposée à Philippe Lemaire, qu'on croirait sorti d'un film de Cocteau, et a pour sœur Irène Galter qui est la pièce centrale du récit, à se faire balader entre son "tortionnaire" et la volonté de Thérèse.
Et, dans un rôle secondaire, on y trouve Robert Dalban, inénarrable second couteau du cinéma français.
Il est toujours intéressant de voir comment se construit une œuvre, et dans le cas de Jean-Pierre Melville, ses trois premiers films (celui-ci, "Le silence de la mer" et "Les enfants terribles") n'augurent en rien de ce qu'il va faire par la suite.
Quant à ce film, il s'agit d'une agréable curiosité, à voir pour ceux qui veulent compléter la filmographie de Jean-Pierre Melville.