C'est le troisième film, après Le silence de la mer et Les enfants terribles, de Jean-Pierre Melville. Ce dernier l'avait tourné pour essayer de casser sa réputation, très mauvaise pour l'époque, de « cinéaste intellectuel », pour prouver qu'il était capable d'être un cinéaste commercial. Il ne l'aimait pas trop : « D'un scénario très beau, de Jacques Deval, j'ai fait un film qui aurait peut-être signé par n'importe lequel des réalisateurs français de cette époque-là.» Le film a plutôt mauvaise réputation et s'est fait descendre par la critique. Il est le plus souvent jugé complètement invraisemblable et ridicule. Il est vrai que l'histoire a de quoi inquiéter. Irène et Denise deviennent brutalement orphelines après un accident de voiture où meurent leurs parents. Denise est encore mineure et Irène, bonne sœur, décide de quitter son couvent pour s'occuper d'elle. Denise est attirée par une petite frappe, Max, qui finit par la violer. Elle fait alors une tentative de suicide, en réchappe, tout en étant amoureuse de son violeur. Irène, sous la menace, d'abord d'un revolver, puis d'une dénonciation à la police, contraint Max à réparer sa faute et à se fiancer avec Denise en vue d'un mariage à venir. Max tombe alors follement amoureux d'Irène qui, tout en résistant à ses charmes, et aussi amoureuse de lui… Je ne vous dévoile pas la fin tout aussi mélodramatique ! Et pourtant, je ne trouve pas le film dénué de qualités, loin de là. D'abord parce que la photo, due à l'un des plus grands photographes du cinéma français, Henri Alekan, est absolument splendide. L'interprétation est aussi excellente et le film ne manque pas d'un certain suspense. Enfin il n'est pas aussi impersonnel que cela et on y trouve tout de même déjà des éléments qui annoncent les chefs-d'œuvre à venir. Plusieurs traits du personnage d'Irène (Juliette Greco) se retrouveront dans celui de Léon Morin (Léon Morin, prêtre, 1961, avec Jean-Paul Belmondo) et on sent déjà l'intérêt de Melville pour les boîtes de nuit et leur milieu de petites crapules. Un film assez étonnant qui est à découvrir dans la splendide édition remastérisée de Gaumont vidéo, ou dans le coffret « Anthologie Melville » chez Studio Canal.